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éditorial / Laurent Bigorgne

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Laurent Bigorgne

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Le prix de nos turpitudes
par Laurent Bigorgne

La semaine qui s’ouvre sera cruciale pour donner un gouvernement au pays. Pour l’heure, Sébastien Lecornu semble avoir fait le choix de concéder très peu au Parti socialiste même si des négociations semblent se poursuivre. Ces jours-ci, la majorité de Giorgia Meloni a fêté le troisième anniversaire de sa victoire aux élections de septembre 2022, nous montrant que sur le plan des finances publiques une « rupture » est effectivement possible.

28/09/2025 - 06:30 Lecture 8 mn.

À défaut d’une vision, l’interview du Premier ministre parue avant-hier dans Le Parisien a au moins fixé un cadre, celui dans lequel le socle commun qui le soutiendra doit se reconnaître : le "quoi" avant le "qui". Les termes en sont donc désormais posés : une feuille blanche comme point de départ de la discussion budgétaire, un déficit fixé "aux alentours de 4,7 %" - et non plus un horizon arrimé à 4,6 % -, 6 milliards d’euros d’économies sur le budget de l’État, des mesures de décentralisation, des moyens nouveaux consacrés aux retraites (6 milliards) et à la santé (5 milliards).

 

CFDT vs PS ?

 

En clair, pas d’année blanche, ni de désindexation. Pas de réforme non plus de l’assurance chômage, mais plutôt un durcissement des ruptures conventionnelles. Autant de clins d’yeux qui se veulent appuyés à la CFDT ? On y trouve la sempiternelle annonce d’un projet de loi ambitieux – comme les précédents plans sans doute – de lutte contre les fraudes sociales et fiscales. Exit la proposition de deux jours fériés travaillés… Pas de taxe Zucman non plus. Pas de retour à l’ISF. L’annonce cependant que certains "impôts augmenteront, mais d’autres diminueront"… Œillade discrète au Parti socialiste qui dans son contre-projet budgétaire présenté fin août revendiquait une baisse ciblée de la CSG pour les salaires jusqu’à 1,4 smic ?

Alors que leurs espoirs en forme d’ordalie fiscale pour les biens professionnels semblent douchés, les socialistes n’ont néanmoins pas encore rejoint le camp de la censure… C’est ce que nous fait comprendre un peu d’exégèse du communiqué de presse émis dès vendredi : "Nous rencontrerons une dernière fois le Premier ministre la semaine prochaine à sa demande. Nous prendrons notre décision : sans changement majeur d’orientation, nous censurerons ce gouvernement". Autrement dit : "proposez-nous un deal acceptable avant la fin de la semaine qui vient"…

Avec 62 députés, le PS entend bien peser de tout son poids sur l’agenda économique et social des mois qui viennent. Il éprouve sans doute une double crainte, d’où sa relative modération après le rejet par l’exécutif de toutes ses demandes. La première, celle de se faire dépasser comme interlocuteur crédible par la CFDT… il se dit beaucoup qu’un ancien président de la République issu des rangs socialistes récuse la taxe Zucman et recommande cette voie de passage à qui veut l’entendre. La seconde, celle de ployer sous la pression de la surenchère permanente de LFI, y compris dans l’hypothèse d’une dissolution post-censure. Un sondage réalisé par Elabe il y a un mois soulignait le recul probable du vote réflexe en faveur d’un front républicain en cas de législatives anticipées… Aussi, le PS, qui pèse peu et qui revendique énormément, est-il prêt en réalité à se contenter de presque rien ? C’est, semble-t-il, le pari de Matignon.

 

Pendant ce temps, à Rome…

 

Au moment où notre pays redécouvre les joies d’un jeu parlementaire confus après 66 ans d’abstinence, nos voisins transalpins font le chemin exactement inverse, tant la coalition de droite au pouvoir en Italie depuis 3 ans à la suite des élections législatives du 25 septembre 2022 paraît stable. Le gouvernement que dirige Giorgia Meloni est d’ailleurs, à date, le quatrième le plus long de l’histoire de la République ! Bien sûr, la cheffe du gouvernement italien doit gérer des alliés turbulents et vindicatifs, comme la Ligue du Nord et son dirigeant Matteo Salvini, qui se rêve sans doute dans un autre rôle que celui de ministre des Infrastructures et de la Mobilité durable. Russophile endurci, il joue en permanence sa partition et refuse par exemple toute idée d’augmentation des dépenses de défense de l’Italie si celles-ci ne sont pas allouées à la défense des frontières de la péninsule et à la lutte contre l’immigration illégale.

Cette coalition engrange les bonnes nouvelles, puisque le déficit public italien pourrait bien passer sous le seuil de 3 % du PIB cette année contre 5,4 %, voire davantage, pour la France, lanterne rouge de la zone euro. L’industrie de la péninsule, qui contribue pour beaucoup au quatrième rang mondial de l’Italie parmi les pays exportateurs, résiste au choc des droits de douane provoqué par l’administration Trump. Au point que la production industrielle remonte désormais. Enfin, à 6 %, le taux de chômage reste proche de son plus bas historique (7,5 % en France). L’agence Fitch a relevé la note de la dette souveraine de l’Italie une semaine après avoir dégradé celle de la France en prisant "une confiance accrue dans la trajectoire budgétaire de l’Italie" et "un environnement politique stable".

 

De 400 points de base à 0

 

Bien sûr, la crise de 2012 a été si violente que quelques leçons en ont été retenues, à la différence là encore de la France. De sorte qu’après la crise du Covid, l’Italie a été le premier des pays du G7 à retrouver un excédent primaire, c’est-à-dire des dépenses publiques, hors les charges des intérêts, inférieures aux recettes fiscales. Dans le regard des marchés, les turpitudes politiques et budgétaires françaises ont un prix. Nos titres à 10 ans sont désormais bord à bord alors que la France devait acquitter 3 % à 10 ans en 2011-2012 vs 7 % pour l’Italie. Ces 400 points de base sont tombés à zéro cependant que notre dette publique s’établit à 115,6 % contre 135 % chez nos voisins.

Hormis pour sa douceur de vivre et pour son régime fiscal qui entend attirer les grandes fortunes et favoriser le retour du plus grand nombre possible d’expatriés italiens, l’Italie n’est pas un pays de cocagne. Croissance atone, gains de productivité faibles ou inexistants, recul presque décennal du salaire réel, saignée démographique… Ajoutons quelques marottes du gouvernement Italien comme le débat récurrent sur une taxe bancaire ou l’adoption toute récente d’un nouveau jour férié, le 4 octobre, jour de la Saint-François, qui n’ont rien à envier à nos pathologies. Sans négliger la poussée populiste aux relents nauséabonds, mais celle-ci n’a pas fait imploser l’Union européenne, ni contraint l’Italie à faire défection dans le soutien à l’Ukraine, ni empêché Giorgia Meloni et Emmanuel Macron d’apprendre à travailler ensemble.

L’Italie vient de nous donner une leçon qu’il faut méditer. 36 mois - presque la durée du mandat d’Edouard Philippe à Matignon - montrent que le redressement budgétaire est possible. Il aurait donc pu avoir lieu dès 2017 dans notre pays. Mieux vaut tard que jamais !

 

laurent@fnxlb.org

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