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Chroniques / Jean-Baptiste Noé

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Mali : les djihadistes reprennent le dessus
par Jean-Baptiste Noé

Le Mali retombe dans les tourments intérieurs et les luttes de clans. Après avoir chassé la France et fait appel à la Russie, le gouvernement de Bamako pensait s’assurer une stabilité politique. Peine perdue, les djihadistes sont sur le point de reprendre le contrôle du pays. 

15/11/2025 - 08:30 Lecture 6 mn.

Retour dans le passé. Douze ans après l’opération Serval (2013), les djihadistes sont de nouveau sur le point de prendre le contrôle de Bamako. Le gouvernement est acculé et les clans du nord du pays contrôlent de mieux en mieux les accès à la capitale. Cette fois-ci, Bamako ne pourra pas compter sur l’aide militaire française et les forces russes présentes se montrent incapables de rétablir la sécurité et de tenir le pays. La rébellion touareg pourrait trouver-là de quoi prendre sa revanche.

 

Inefficacité russe

 

Les groupes russes, héritiers de Wagner, ont exercé une brutalité débridée à l’encontre des mouvements d’insurrection, pensant pouvoir les contrôler et les réduire par la violence. Peine perdue, cette violence n’a servi qu’à renforcer la cohésion des insurgés et à accroître leur motivation pour combattre le régime installé à Bamako et ses auxiliaires russes. Une Russie qui, prise dans le bourbier ukrainien, n’a plus les moyens de se déployer en Afrique.

Le gouvernement comme les chefs russes se sont brouillés avec les Touaregs, pourtant acteurs incontournables du nord du Mali et, de façon plus large, du Sahel, puisque ce peuple nomade est à cheval sur plusieurs pays. Face à la répression russe, une partie des Touaregs ont rejoint le JNIM, le Jama’at Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin. Cette organisation djihadiste opère au Maghreb et en Afrique de l’Ouest. Elle est issue de la fusion d’Ansar Dine et de la branche saharienne d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Ses dirigeants ont prêté allégeance à Ayman al-Zawahiri, trouvant dans cette alliance un soutien international, des moyens de financements et d’accès aux armes et une dimension idéologique qui lui fournit un cadre plus noble que le seul combat pour la rapine.

Avec le JNIM, l’opposition séculaire des Touaregs trouve un moyen d’actualiser sa lutte contre le gouvernement de Bamako et de prendre le contrôle du nord Mali, avec un risque de déstabilisation maximale de la région.

 

Bamako ne contrôle plus le nord du Mali, à tel point que les djihadistes ont même établi un blocus de la capitale, coupant les routes et rançonnant les voyageurs. Face à la brutalité de la répression, plusieurs populations rurales plutôt neutres ont rejoint la lutte armée, affaiblissant d’autant la junte militaire au pouvoir. Le JNIM, qui est parvenu à associer les Touaregs et les Peuls, n’est toutefois pas en mesure de prendre le contrôle du sud du pays, où les rivalités et les oppositions aux ethnies du nord demeurent vivaces. Le Mali est donc de plus en plus un pays coupé en deux, avec une autonomie chaque jour plus grande de la partie nord.

 

Inefficacité malienne

 

Comprenant que les Russes ne seraient d’aucune efficacité, le Mali a tenté une alliance avec ses voisins, notamment le Niger et le Burkina Faso. C’est peine perdue : ces trois pays sont faibles et leurs armées sont inopérantes pour conduire des opérations de contre-insurrection. Si le nord ne peut pas prendre le contrôle du sud, le sud n’a pas les moyens d’éteindre la rébellion du nord. Nous voilà revenus à la situation d’avant 2013, avec une longue guerre d’usure qui permet à chaque faction d’étendre sa domination sur le territoire qu’elle contrôle.

 

Observation algérienne

 

C’est l’Algérie qui a tout à perdre de l’envenimement de la situation sahélienne. Face à la grave crise sociale, au chômage et aux difficultés économiques, l’armée algérienne manque de moyens pour tenir son territoire. Les Touaregs et les Peuls pourraient tout à fait en profiter pour formaliser leur domination sur le Sahara, puisqu’ils y sont démographiquement présents, et ainsi chasser l’Algérie d’un territoire qui lui fut accordé par la France. Face à l’État islamique au Sahel (ISGS) et au JNIM, l’Algérie ne peut demeurer impassible, elle qui conserve la mémoire de la guerre civile qui l’a ensanglantée dans les années 1990. Le développement d’un foyer islamiste dans son territoire sud serait un danger majeur pour Alger. Mais une intervention militaire algérienne au Mali semble néanmoins peu probable. Pour Alger, l’enjeu est de contrôler son territoire et notamment ses marges.

Faut-il y voir un lien avec la libération de Boualem Sansal ? Alger s’est fâché avec tous ses voisins africains et les relations avec la France sont au plus bas. En cas de développements djihadistes, l’Algérie ne dispose ni de l’armée compétente pour y faire face, ni d’allié susceptible de l’aider. Boualem Sansal peut ainsi être une monnaie d’échange pour se rapprocher de l’Allemagne et éteindre une partie du contentieux avec la France, au moment où le contrôle de sa zone sud lui échappe.

Le risque est en effet celui d’une partition du Mali, déjà effective dans les faits, sur des bases ethniques, où chaque peuple contrôle son territoire. Mais profitant de cette partition et de la disparition de l’État central, les mouvements djihadistes peuvent être tentés de faire du Sahel leur base arrière pour contrôler les trafics venus du golfe du Guinée et qui convergent vers l’Europe et pour disposer de lieux où s’entraîner. Si cette hypothèse venait à se concrétiser, ce sont tous les pays de la bande sahélienne qui seraient déstabilisés. Raison pour laquelle l’Algérie préfère anticiper pour trouver des soutiens potentiels en cas d’expansion du conflit.

 

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