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éditorial / Laurent Bigorgne

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Laurent Bigorgne

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1 et 1 font 2… ou pas !
par Laurent Bigorgne

Entre la énième menace de destitution (LFI) et le préalable d’« une rupture avec la politique macroniste » (RN), le président de la République reste le point de cristallisation des « partis du refus ». Un accord même a minima paraît inatteignable entre les autres forces politiques à l’Assemblée. Notre système politique paraît plus bloqué que jamais.

21/09/2025 - 06:30 Lecture 8 mn.

Trois blocs à l’Assemblée

 

Depuis la dissolution de juin 2024, notre pays est caractérisé par une très forte instabilité politique qui s’est traduite par la formation de trois et bientôt quatre gouvernements (Attal, Barnier, Bayrou). Celui confié à Sébastien Lecornu, est encore en gestation et nul ne peut prédire s’il tiendra une semaine, un mois ou un an. En effet, les trois blocs issus du scrutin voulu par le président de la République ne peuvent s’entendre, sauf bien sûr à décider de renverser le gouvernement après avoir joué au jeu du chat et de la souris avec lui.

Le premier bloc rassemble sur un frêle esquif les restes du parti présidentiel, de la droite républicaine, des démocrates de François Bayrou et des députés Horizons d’Edouard Philippe, soit 210 députés. La présence dans cet ensemble des 49 députés de droite est suspendue au refus de tout compromis avec la gauche, d’une part, et à la rivalité féroce entre Bruno Retailleau, président des Républicains, et Laurent Wauquiez, président du groupe LR à l’Assemblée (Droite Républicaine), de l’autre. Au point que ces mêmes députés, alors que leur parti avait choisi de participer activement au gouvernement, ont dispersé leurs votes au moment d’accorder ou non la confiance à François Bayrou (27 l’ont accordée, 13 l’ont refusée et 9 se sont abstenus).

Le deuxième bloc est composé principalement des partis "du refus" (LFI, RN, UDR-Ciotti) et compte 209 députés. LFI a d’ores et déjà déclaré n’avoir "absolument rien à négocier avec les macronistes" pour justifier son refus de participer aux discussions budgétaires ouvertes par le nouveau premier ministre. Quant à Marine Le Pen, elle a laissé planer peu de doutes sur les intentions du RN dans les prochaines semaines : "Le Président tire la dernière cartouche du macronisme, bunkérisé avec son petit carré de fidèles. Après les inéluctables futures élections législatives, le Premier ministre s’appellera Jordan Bardella" (sur X).

 

"C’est communiste en réalité"

 

Enfin, le troisième bloc réunit 66 socialistes, 38 écologistes et 17 communistes, soit 121 députés. Les socialistes sont présidés par Boris Vallaud, qui a demandé pêle-mêle dans Les Échos cette semaine de revenir sur la réforme des retraites, ainsi qu’une baisse non financée de la CSG de l’ordre de 6 milliards d’euros et l’instauration de la taxe dite "Zucman" qui inclut les biens professionnels détenus par les contribuables visés, dont il prétend qu’ils sont "pour l’essentiel constitués d’actifs financiers" (sic), indiquant avec beaucoup de mansuétude qu’il y a "des possibilités de différer le paiement de l’impôt ou le paiement en actions", cette dernière modalité préfigurant en quelque sorte le retour des nationalisations-confiscations.

Au passage, Nicolas Dufourcq, le patron de Bpifrance, que Boris Vallaud verrait volontiers devenir le gardien de ces titres ainsi "saisis" lui a répondu cette semaine sur RMC : "donc demain j’aurai 2 % du capital de LVMH, dans 10 ans 20 %, 20 % du capital de Kering, 20 % du capital d’Iliad" ; "c’est communiste en réalité, comment est-ce qu’on peut encore sortir des énormités comme ça en France ?"

Les deux derniers blocs n’hésitent plus à mêler leurs voix dans un même feu de joie. Ils l’ont fait de façon retentissante en refusant la confiance à François Bayrou ce mois-ci comme ils avaient déjà censuré en décembre dernier Michel Barnier, qui avait déclenché l’article 49-3 sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (331 voix). Première censure à aboutir depuis celle exercée à l’encontre du gouvernement de Georges Pompidou au petit matin du 5 octobre 1962, deux mois après la tentative d’assassinat du Petit Clamart, pour protester contre l’utilisation du référendum pour la révision constitutionnelle instaurant l’élection du président de la République suffrage universel. Cette censure spontanée, à la différence de celle provoquée par Michel Barnier, réunit à l’époque des figures comme Paul Reynaud, les indépendants, les radicaux, les socialistes et les démocrates-chrétiens.

 

Le précédent de 1962 ?

 

Rien à voir donc avec la situation actuelle, d’autant que la censure de 1962 provoqua de nouvelles élections législatives qui donnèrent la majorité absolue aux gaullistes et Georges Pompidou fut à nouveau appelé à Matignon. Le référendum fut également gagné par l’exécutif : 62,25 % de "oui" avec une participation de près 77 %. Ce processus, à rebours de ce qu’avaient souhaité ses initiateurs, avait permis de conférer une légitimité renouvelée et plus forte encore à l’exécutif. D’ailleurs, cet épisode dissuada longtemps les députés de renverser un gouvernement alors que les différents premiers ministres qui se sont succédé ont engagé 109 fois leur responsabilité depuis lors.

Nous sommes loin d’une telle clarification et l’horizon politique du pays n’a jamais semblé aussi bouché que ces derniers mois. Aucun des trois blocs à l’Assemblée n’est prêt à travailler avec un des deux autres, mais il y en aura toujours au moins deux d’accord désormais pour censurer le troisième. À moins bien sûr qu’on accepte d’immoler par l’impôt une partie de ceux qui font la prospérité du pays.

On a beau prêter, sans doute à raison, beaucoup de talent à Sébastien Lecornu, ce ne sont pas quelques mesures démagogiques concernant les anciens premiers ministres, ni la suppression de quelques dizaines de délégations interministérielles qui feront un programme de gouvernement à la hauteur des enjeux qui sont les nôtres.

La seule question qui se pose désormais est celle du déblocage de la situation politique dans laquelle nous nous trouvons. La solution n’est pas à l’Assemblée nationale. Elle n’est pas à Matignon et pas davantage à l’Élysée. Le président n’a même plus la soupape utilisée par François Hollande en annonçant en décembre 2016 ne pas être candidat au renouvellement de son mandat. Si l’opération Lecornu échoue, nul doute que la pression sur le président de la République s’accentuera. D’un cran au moins.

 

laurent@fnxlb.org

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