Chroniques / Jean-Baptiste Noé
Chroniques
Jean-Baptiste Noé
Chronique
Guerre d’Ukraine : laboratoire de l’innovation
par Jean-Baptiste Noé
La guerre d’Ukraine voit le développement et l’amélioration des techniques d’armement. Une transformation du champ de bataille qui conduit à des évolutions industrielles.
Chaque guerre d’ampleur conduit à des innovations techniques, qui sont elles-mêmes produites par la nécessité, pour les belligérants, de rompre le front et de prendre l’ascendant. Développement de l’aviation et des chars de combat, des sous-marins, des hélicoptères, autant d’innovation accélérée par les guerres.
La guerre d’Ukraine ne fait pas exception. Avec cette particularité du monde militaire que les nouvelles techniques suppriment rarement les anciennes, mais les complètes. Ainsi, la Russie a-t-elle employé des chevaux et des ânes pour transporter du matériel, tout en utilisant aussi des moyens techniques d’une grande modernité. Le sous-marin n’a pas fait disparaître les navires, l’hélicoptère n’a pas remplacé l’avion. Parmi les innovations de la guerre d’Ukraine, qui sont souvent des améliorations, figurent les drones et les missiles.
Missiles hypersoniques
Les missiles hypersoniques sont l’une des grandes nouveautés de cette guerre, même s’ils ont été créés avant son déclenchement.
Le 21 novembre 2024, la Russie a ainsi revendiqué la réalisation d’une frappe à l’aide d’un missile hypersonique baptisé Oreshnik. Ce dernier ne dispose pas de détonateur : il s’agit d’une masse de plusieurs centaines de kilos, propulsée à une vitesse comprise entre Mach 6 à Mach 9, qui s’écrase sur sa cible à une vitesse de 3 km par seconde. Oreshnik est comme une catapulte qui enverrait une très grosse pierre à une très grande vitesse. Les Russes maîtrisent donc une technologie de pointe (la propulsion hypersonique) qui est couplée à une méthode très basique et vieille comme la guerre : le jet de projectile. Aujourd’hui, aucune armée ne dispose des moyens d’intercepter un tel missile, ce qui pourrait rendre caduc l’usage des porte-avions. Si le Charles-de-Gaulle était attaqué de la sorte, il pourrait être envoyé par le fond sans que son armada puisse le protéger. Mais le missile hypersonique coûte aussi très cher à produire, pour des dégâts finaux somme toute moindres qu’une bombe classique avec une lourde charge d’explosif. Ce que les Russes présentent comme une arme fatale, qui pourrait leur permettre de remporter la guerre comme les V2 devaient faire gagner Hitler, pourrait se révéler inutile du fait de son coût et par la capacité des Occidentaux à lui trouver une parade.
Drones : les promesses et les innovations
Les drones sont l’autre grand secteur technologique transformé par la guerre d’Ukraine, tant ils sont abondamment utilisés, modifiant le champ de bataille et la tactique. Le drone oblige à l’innovation, technologique et matérielle, mais aussi en termes de commandement. Il n’est plus possible de diriger de grandes unités, mal adaptées pour répondre à la guerre des drones. Les tacticiens français réfléchissent aujourd’hui à d’autres types d’organisation des régiments, avec des unités plus petites, plus souples et disposant de davantage de marges de manœuvre. En son temps, le mode d’organisation de l’armée a pu permettre de remporter des batailles décisives : la phalange chez Alexandre, l’organisation napoléonienne. C’est aussi cela qui doit être revu aujourd’hui, tant l’armement et les évolutions techniques obligent à repenser la doctrine et la tactique pour adapter les armées, et notamment l’armée française, aux nouveaux types de guerre.
Mais les drones conduisent à d’autres innovations, dans le domaine de la miniaturisation cette fois.
Les microdrones inspirés des libellules et des insectes créent des problèmes en matière de protection des personnes, mais sont aussi vecteurs d’innovations technologiques majeures. Un microdrone signifie de micromoteurs, de microbatteries, de micromoyens de téléguidage. Une miniaturisation des moyens techniques qui ouvre de nouveaux champs dans le domaine civil. Ce qui fait miroiter des applications concrètes à de nombreux industriels et donc la perspective de récupérer une partie des investissements engloutis. Internet a bien été créé à l’origine pour l’armée américaine, comme le nylon a été développé pour les parachutes, avant de servir pour les vêtements civils. Les innovations technologiques en cours en Ukraine, dans le domaine militaire, vont donc se retrouver dans le domaine civil dans les prochaines années, permettant des relais de croissance grâce aux gains de productivité qui seront ainsi réalisés.
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