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Chroniques / Jean-Baptiste Noé

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Jean-Baptiste Noé

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Comment Donald Trump repense le Moyen-Orient
par Jean-Baptiste Noé

C’est un discours majeur que Donald Trump a prononcé à Riyad le 13 mai dernier. Un discours de rupture avec les précédentes politiques américaines ; un discours qui pense le Moyen-Orient sur de nouvelles bases intellectuelles.

24/05/2025 - 08:30 Lecture 7 mn.

Avec ses foucades, ses revirements, ses décisions imprévues, Donald Trump donne l’impression d’un amateurisme et d’un manque de réflexion sur son action politique. Mais ses discours révèlent une pensée structurée et cohérente, qui exprime une véritable réflexion géopolitique. Il vient d’en donner une nouvelle leçon à Riyad, lors d’un discours qui pose le début d’un nouveau regard sur le Moyen-Orient.

Dans une mise en scène toute hollywoodienne, Donald Trump s’est mis en avant comme il sait le faire, dans un show qui relevait plus du spectacle que de la politique. Mais sur le fond, son discours a opéré une véritable rupture.

 

Fin de l’interventionnisme

 

Dénonçant les politiques de ses prédécesseurs, notamment George Bush et Barack Obama, il a dénoncé ceux qui ont voulu modeler le Moyen-Orient, par les armes et les interventions militaires. À Riyad, il a signé l’arrêt de mort du néoconservatisme en rompant avec lui et en proposant une autre politique.

"Cette grande transformation [du Moyen-Orient] n’est pas le fruit de l’interventionnisme occidental… qui vous donne des leçons sur la manière de vivre ou de gouverner vos propres affaires. Non, les merveilles étincelantes de Riyad et d’Abou Dhabi n’ont pas été créées par les soi-disant "bâtisseurs de nations", "néoconservateurs" ou "organisations libérales à but non lucratif", comme ceux qui ont dépensé des milliards sans parvenir à développer Kaboul, Bagdad et tant d’autres villes. Au contraire, la naissance d’un Moyen-Orient moderne est le fruit des efforts des peuples de la région eux-mêmes… qui ont développé leurs propres pays souverains, poursuivi leurs propres visions et tracé leur propre destin."

Et de conclure : "Finalement, les soi-disant "bâtisseurs de nations" ont détruit bien plus de nations qu’ils n’en ont construites, et les interventionnistes sont intervenus dans des sociétés complexes qu’ils ne comprenaient même pas eux-mêmes."

Rupture donc avec les interventions en Afghanistan, en Irak et en Libye, mais non pas refus d’une intervention militaire si cela apparaît nécessaire. C’est le cas face aux Houthis, où l’armée américaine a répliqué aux attaques ennemies :

"À la suite d’attaques répétées contre des navires américains et la liberté de navigation dans la mer Rouge, l’armée américaine a lancé plus de 1 100 frappes contre les Houthis au Yémen. En conséquence, les Houthis ont accepté de cesser… Nous les avons frappés durement, nous avons obtenu ce que nous voulions, puis nous sommes partis." Veni, vedi, vici, dans la bouche du nouveau maître des États-Unis.

Fort de ce succès qu’il s’attribue à lui-même, il a proposé une nouvelle voie pour le Moyen-Orient, fondée sur la coopération et le commerce. Plus d’échanges avec l’Arabie saoudite et les pays du Golfe, plus de ventes et de partenariats économiques. À une guerre qui appauvrit, Trump préfère le commerce qui construit. Il a ainsi loué le développement économique des pays arabes de la péninsule, sans évoquer les atteintes au pluralisme et aux libertés fondamentales. Les questions démocratiques attendront.

 

Réinitialiser l’Iran

 

S’adressant à l’Iran, il a proposé de revoir les modes de coopération, voire de renouer des relations si Téhéran renonce à ses projets militaires. La bombe nucléaire demeure une ligne rouge, que Trump ne souhaite pas voir franchie : "L’Iran n’aura jamais d’arme nucléaire.". Cela dit, il a souhaité ouvrir un nouveau chapitre avec l’Iran : "Je ne suis pas ici aujourd’hui pour condamner le chaos passé des dirigeants iraniens, mais pour leur offrir une nouvelle voie, une voie bien meilleure vers un avenir bien meilleur et plus prometteur."

Avec Trump, l’avenir est toujours meilleur et plus beau qu’aujourd’hui. Mais face à ses interlocuteurs arabes, il a dressé le parallèle de pays arabes qui se construisent et brillent et d’un Iran qui s’enfonce dans la crise : "Alors que vous construisez les plus hauts gratte-ciels du monde à Djeddah et à Dubaï, les monuments emblématiques de Téhéran datant de 1979 s’effondrent en un amas de gravats et de poussière."

L’exemple des Houthis démontre que Donald Trump est prêt à faire usage des armes contre Téhéran, si jamais la nécessité l’exige. Le commerce oui, mais les armes ne sont jamais loin.

"Ces dernières années, beaucoup trop de présidents américains ont été obsédés par l’idée qu’il nous appartient de scruter l’âme des dirigeants étrangers et d’utiliser la politique américaine pour rendre justice à leurs péchés… Je crois que c’est à Dieu de juger — mon travail [est] de défendre l’Amérique et de promouvoir les intérêts fondamentaux que sont la stabilité, la prospérité et la paix."

 

Un grand absent

 

Dans ce discours, Israël n’a été cité qu’une seule fois, lors d’une référence à l’attaque du 7 octobre 2023 : "Tous les peuples civilisés doivent condamner les atrocités commises le 7 octobre contre Israël".

Rien d’autre sur Israël, où Trump ne s’est pas rendu. Dans ce voyage, Trump était là pour parler des thématiques des pays arabes et pour tisser des liens possibles vers l’avenir.

Fidèle à ses envolées lyriques, il a promis la prospérité au Liban débarrassé du Hezbollah, la paix au Moyen-Orient et le règlement de la politique iranienne. Rien que ça. Il promettait aussi la paix en Ukraine en un temps record sans que l’on ait vu beaucoup d’avancées depuis janvier. Le seul élément tangible réalisé pour l’instant est la levée des sanctions économiques qui pesaient sur la Syrie. L’UE a suivi, permettant à Damas d’envisager un début de reconstruction, mais sans que toutes les questions portant sur le projet d’Ahmed al-Charaa soient levées.

Si Riyad fut bien un discours de rupture avec la politique américaine des 25 dernières années, il reste à voir quels résultats obtiendra Donald Trump et quel bilan il pourra défendre.

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