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Chroniques / Jean-Baptiste Noé

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Jean-Baptiste Noé

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Le Rafale : thermomètre de la diplomatie française
par Jean-Baptiste Noé

En annonçant l’achat de 26 Rafale, l’Inde modernise sa flotte et muscle son armée face à ses adversaires. L’achat d’armement est le reflet des tensions mondiales, mais aussi des liens diplomatiques et stratégiques entre les pays.

03/05/2025 - 08:30 Lecture 6 mn.

La nouvelle réjouira tous ceux qui s’intéressent au devenir du tissu industriel français.

En signant, le 28 avril dernier, un contrat pour l’acquisition de 26 Rafale, pour un montant estimé à 7,5 milliards de dollars, l’Inde vient renforcer le carnet de commandes de Dassault et ouvrir de belles perspectives aux industries nationales, tant la construction d’un Rafale est imbriquée dans le tissu industriel français. Même si l’essentiel des usines fabriquant les différentes pièces d’un Rafale sont réparties entre l’Île-de-France, l’Occitanie et l’Aquitaine, c’est sur l’ensemble du territoire national que se situent les usines concevant les pièces d’un appareil, comme les radars, les commandes de vol, la verrière, etc. Le Rafale illustre à la perfection le lien entre géopolitique mondiale (ici les relations Inde / France) et géopolitique nationale (répartition des usines sur le territoire national).

L’accord prévoit l’intégration de technologies indiennes, telles que le missile air-air Astra Mk1, et la mise en place d’installations de maintenance, de réparation et de révision en Inde, conformément à l’initiative "Make in India". L’Inde s’équipe certes en matériel français, mais elle veut démontrer à sa population et à ses voisins qu’elle n’est pas dépendante de l’étranger et que ce programme s’inscrit aussi dans sa propre souveraineté industrielle.

 

Un avion qui est plus qu’un avion

 

Même si Dassault est une entreprise privée, la vente d’un Rafale répond à des logiques diplomatiques et fait intervenir l’appareil d’État. La venue de Modi comme invité d’honneur au 14 juillet 2023, puis les voyages d’Emmanuel Macron en Inde ont contribué à la signature de ce contrat près de deux ans plus tard. Le ministère de la Défense de l’Inde a lui-même communiqué sur ce contrat : "Les gouvernements indien et français ont signé un accord intergouvernemental portant sur l’acquisition de 26 Rafale pour l’Indian Navy. Celui-ci comprend la formation, un simulateur, les équipements associés, l’armement et la logistique axée sur les performances. Il prévoit également des équipements supplémentaires pour la flotte Rafale existante de la force aérienne indienne".

C’est donc plus qu’un avion que l’Inde achète, mais aussi la formation des pilotes et des personnels, les équipements d’usage et de maintenance et l’intégration tactique au sein de ses armées. Acheter un Rafale, c’est aussi acheter une certaine idée de la vision stratégique française et de l’emploi des armes dans sa vision militaire.

Acheter un Rafale, c’est aussi envoyer un message diplomatique au monde, et c’est en cela que cet avion est un thermomètre de l’état diplomatique. Acheter du matériel militaire américain, c’est être dans l’orbite américaine ; quand le Vietnam et l’Algérie, en achetant du matériel russe, se placent dans l’orbite de la Russie. En faisant l’acquisition de matériel français, l’Inde envoie un message au monde en signifiant qu’elle fait le choix d’une troisième voie, qui est certes toujours dans le monde occidental, mais qui n’est pas aligné derrière les États-Unis.

Depuis son premier contrat d’exportation en 2015, le Rafale s’est beaucoup exporté : Égypte, Qatar, Grèce, Croatie, Indonésie. Un avion français qui se vend mieux en dehors de l’Europe, puisque la plupart des pays européens font le choix des avions américains, mettant à mal, dans les faits, l’idée d’une industrie européenne de la défense.

 

Contrôler la mer

 

Cette commande vise essentiellement à équiper la marine indienne. Les livraisons devraient débuter en 2029 et s’achever en 2031, ce qui fait donc 26 avions à produire en six ans seulement. L’acquisition des Rafale Marine par l’Inde marque une étape significative dans la modernisation de sa marine et renforce sa capacité de projection dans l’Indo-Pacifique, espace fortement concurrentiel, notamment par le voisin chinois. Il y a donc, dans cette acquisition, une logique de déploiement en Indo-Pacifique et une volonté d’affronter la concurrence des puissances mondiales.

La signature intervient au moment où les tensions avec le Pakistan atteignent un seuil très élevé, du fait d’affrontements le long de la frontière du Cachemire. Des affrontements qui font toujours craindre une escalade et un conflit ouvert entre les deux puissances nucléaires. Si on sait toujours comment débute une guerre, on ne peut jamais prévoir comment elle se termine. Ce sont deux pays très densément peuplés, avec une population jeune, donc apte à faire la guerre. Ce sont aussi deux pays qui possèdent l’arme nucléaire, ce qui fait bien évidemment craindre le pire. Le jeu des alliances et la complexité régionale font qu’une guerre entraînerait des engrenages qui pourraient être terribles pour la région et pour le monde. En s’équipant en Rafale, l’Inde veut aussi intimider ses concurrents pour renforcer sa politique de dissuasion.

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