Chroniques / Jean-Baptiste Noé
Chroniques
Jean-Baptiste Noé
Chronique
Europe : les défis de la rentrée
par Jean-Baptiste Noé
Règlement de la guerre en Ukraine, défilé militaire à Pékin, entente intérieure : les défis qui attendent l’Europe en cette rentrée sont nombreux.
Sur le front des conflits et des guerres, les vacances n’ont pas vraiment eu lieu. Tout l’été, les Européens ont tenté de trouver une sortie de crise à la guerre d’Ukraine, sans réelle solution. Avec, début septembre, un autre défi de taille : le sommet tenu à Pékin et le défilé militaire, où la Chine a fait étalage de sa force et de sa puissance.
Ukraine : que faire ?
En Ukraine, c’est plus que jamais l’impasse. Difficile de trouver une solution quand tout le monde veut la paix, sauf celui qui a déclenché la guerre, et que celui-ci tient le territoire et que ses armées avancent, même faiblement. Vladimir Poutine a toutes les cartes en main. C’est lui qui mène le conflit, lui dont les armées conduisent une guerre d’attrition. Tant qu’il ne voudra pas mettre un terme à la guerre, celle-ci se poursuivra. C’est cette vraie question qui taraude les Européens : comment faire pression sur Poutine pour qu’il cède ? En demandant à la Chine ? En asséchant son économie, via les sanctions ? En lui infligeant des revers militaires ? C’est vers cette dernière option que penche l’Ukraine, bien décidée à provoquer des dégâts importants à la Russie, via des frappes dans la profondeur. Mais pour cela, il faut des armes et des hommes. Le bras de fer engagé est aussi une course contre le temps : celui qui craquera le premier aura perdu.
Un entretien paru dans Rossijskaya Gazeta le 21 août 2025 permet d’avoir un aperçu de l’état de l’économie russe. Ce journal a été fondé en 1990 par le gouvernement russe. Il est l’un des successeurs de la Pravda et diffuse donc la pensée officielle du gouvernement. Ce qui en fait un média ennuyeux, mais malgré tout intéressant pour savoir ce que pense et dit la voix officielle russe. Or, dans cet entretien d’août, donné par Andréï Gangan, directeur du département de politique monétaire de la Banque centrale de Russie, plusieurs perspectives sombres pour l’économie russe sont esquissées.
L’économiste annonce ainsi un relèvement des taux d’intérêt qui vise à juguler une inflation qui touche durement la population civile. Les taux d’intérêt sont ainsi montés à 18 %, ce qui peut être efficace pour limiter l’inflation, mais ce qui signifie aussi que l’accès au crédit est de plus en plus délicat. Pour rendre accessible le prix de la betterave et de la pomme de terre, ce sont les PME et les entreprises qui sont sacrifiées. Ce que l’économiste reconnaît tout à fait, mais la banque centrale russe n’a pas le choix. Face à l’émission monétaire destinée à financer l’effort de guerre, il faut désormais juguler l’accès au crédit.
Un autre point est souligné par l’économiste : le manque de main-d’œuvre. Il s’exprime à cet égard en des termes très francs : "Aujourd’hui, notre économie a utilisé la quasi-totalité de ses capacités de production, de sa logistique et de ses infrastructures, et surtout, la quasi-totalité de ses ressources humaines. Il est désormais difficile de trouver de nouveaux travailleurs. Nous avons besoin d’une pause et de nouvelles approches pour accroître la productivité du travail. Sans cela, toute la croissance des salaires sera inévitablement "engloutie" par l’inflation, et les travailleurs n’y gagneront rien."
À la lecture de cet entretien, on voit à quel point l’économie russe patine et souffre, elle aussi, d’une économie de guerre qui a chassé de nombreux talents qui ne voulaient pas être enrôlés. Certes, sur le terrain, l’armée russe avance. Mais peut-elle tenir encore plusieurs mois si son économie n’est plus capable de produire les armes nécessaires à la guerre ? Les Européens sont ici confrontés aux faux-semblants d’un pays qui masque ses faiblesses pour ne montrer que sa force.
Pékin rayonne
Autre puissance rayonnante, la Chine, dont le défilé de Pékin a été l’occasion d’une grande démonstration de force. Là aussi, il faut le lire comme une opération de communication et d’influence. Un défilé impeccable nécessite des semaines de préparation ; c’est autant de temps en moins pour l’entraînement. La qualité technologique est indéniable : les drones et les missiles sont flambant neufs et de haute précision. Mais que vaut réellement cette armée, en dehors de son avenue de Pékin ? La Chine n’a plus combattu depuis 1979 et une défaite contre le Vietnam. Difficile de se jauger quand il n’y a pas eu d’exercices réels, d’expérience du feu, de transmission de la conduite de la guerre. Face à Taïwan, aux difficultés de franchir un détroit, aux rideaux défensifs de Taïpei, il est difficile de prévoir comment l’armée chinoise tiendra le choc et se comportera.
Les démocraties montrent tout, leurs forces et leurs faiblesses, ces dernières étant souvent plus visibles. Les régimes autoritaires sont très forts pour camoufler leurs faiblesses et ne montrer que leurs atouts. C’est une opération d’intoxication, que les Européens doivent aussi apprendre à surmonter. Ce qui s’ajoute à leurs nombreux défis de la rentrée.
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