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Chroniques / Jean-Baptiste Noé

Chroniques
Jean-Baptiste Noé

Chronique
Irak, vingt ans après
par Jean-Baptiste Noé

Vingt ans après la seconde guerre en Irak, le pays est encore en état de convalescence. La population tente un retour à la vie normale dans un Moyen-Orient qui sort bouleversé par deux décennies de chaos. 

01/04/2023 - 08:30 Lecture 5 mn.

 

C’est peu dire que les promesses de 2003 n’ont pas été tenues. L’intervention américaine en Irak devait renverser Saddam Hussein, abattre la tyrannie, mettre sur pied un régime démocratique et ainsi assurer le réveil du Grand Moyen-Orient. Vingt ans plus tard, la situation est bien différente.

Aussi illégitime que fût l’intervention de 2003, tachée par les mensonges américains sur la prétendue possession d’armes de destruction massive, le régime de Saddam Hussein n’avait rien d’attrayant. C’est là l’un des paradoxes de cette guerre. Regardée avec le recul de deux décennies, elle a plongé l’Irak dans le chaos, mais elle a aussi permis, in fine, à des populations martyrisées, tels les Kurdes et les chiites, de voir la fin de leur persécution. La dictature en moins, le chaos en plus.

La démocratie installée, loin d’établir la paix et la concorde, a exacerbé les tensions communautaires, chacun votant pour le candidat de sa communauté. Les chrétiens sont parmi ceux qui en ont le plus souffert. Dès la fondation de l’Irak moderne, le parti Baas, socialiste et nationaliste, avait mis la nation irakienne devant l’oumma musulmane. Le message était clair : on est d’abord Irakien avant d’être chiites, sunnites, kurdes ou chrétiens. Saddam Hussein était l’un de ses dirigeants d’un parti Baas qui fut aussi à la tête de la Syrie et qui marqua les espoirs des années 1950-1980 dans un Moyen-Orient qui rêvait de s’affranchir des rivalités communautaires. Cet espoir d’un Moyen-Orient laïc et national a vécu et semble aujourd’hui un rêve quand triomphent au contraire le communautarisme et le radicalisme religieux.

 

De la guerre à Daesh

 

Daesh est né sur les cendres du chaos irakien. Essentiellement peuplé d’anciens cadres militaires de l’armée d’Hussein, l’État islamique a cherché à redonner le pouvoir à ceux qui l’avaient perdu. Après les attentats à Bagdad et à Tikrit, l’EI installa son régime de terreur et de purge. Les chrétiens le vécurent dans la douleur, eux qui furent chassés de Mossoul et des villages où ils habitaient depuis deux millénaires. Nombreux furent ceux qui durent choisir entre la valise et le cercueil et, quittant leur pays, sont venus grossir la diaspora déjà présente en Europe. Les Kurdes crurent pouvoir obtenir l’État tant espéré, ce qui échoua en Irak comme en Syrie. Quant à l’Iran, il prit une part de revanche à la guerre qui l’opposa à l’Irak entre 1980 et 1988.

Les néo-conservateurs américains avaient promis un nouveau Moyen-Orient, on le vit en effet, mais pas dans le sens où ils l’espéraient. L’État islamique essaima partout. Guerre en Syrie, victoires islamistes en Égypte et au Maghreb, diffusion au Sahel et en Afrique noire. La Jordanie parvint à maintenir sa stabilité et son unité, ce qui était loin d’être gagné. Et la France découvrit stupéfaite que des enfants nés sur son sol, de parents eux-mêmes nés en France, partaient pour le djihad, plein de ferveur pour leur patrie d’adoption et de haine pour le pays qui les avait nourris. Comme si les Occidentaux n’avaient pas compris leurs erreurs, ils repartirent à la guerre en 2011 en Libye, intervention dont nous payons encore les conséquences aujourd’hui, et furent à un cheveu de partir en guerre en Syrie en 2013. Ce qui, quoi que l’on pense du régime d’Assad, aurait aggravé le problème moyen-oriental.

 

L’espoir, malgré tout

 

Vingt ans plus tard, le pire semble passé. Les attentats et les tensions diminuent, même si nous sommes encore loin d’un Irak pacifié et stabilisé. L’EI semble vaincu, même si des résurgences sont toujours possibles. Les pays fragiles, comme le Liban et la Jordanie, tiennent malgré tout. En Syrie, les sanctions économiques font davantage de morts parmi les civils que la guerre elle-même, notamment parce qu’elles empêchent l’accès aux médicaments et aux produits de première nécessité.

La France a encore un rôle à jouer dans ce redressement, tous ses atouts n’ayant pas disparu. La diaspora installée en Europe et en Amérique du Nord pourrait elle aussi contribuer à ce renouveau ; une façon d’effacer ces vingt années de guerre et de chaos. Vingt ans après, il reste presque tout à faire. Des enfants à éduquer loin de la guerre, des villes à rebâtir, des communautés à ressouder. Les rêves américains de 2003 se transformèrent en cauchemars ; espérons que les rêves irakiens de 2023 se transforment en réalité.

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