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Chroniques / Jean-Baptiste Noé

Chroniques
Jean-Baptiste Noé

Chronique
Ukraine, un an après
par Jean-Baptiste Noé

Rapport à la guerre et à l’armée, place de l’Occident dans le monde, puissance de la Chine, solidarité en Europe, la guerre en Ukraine a changé beaucoup de choses et d’abord les perceptions des Européens sur eux-mêmes. 

25/02/2023 - 08:30 Lecture 5 mn.

 

Au-delà des questions stratégiques et militaires, ce que la guerre en Ukraine a profondément changé est d’abord la perception du monde établie par les Occidentaux. Il y a à peine plus d’un an, la Belgique annonçait renoncer au nucléaire civil, la France s’engageait dans une fermeture de ses centrales, l’Allemagne pensait avoir réussi son mix vent allemand / gaz russe. La guerre semblait une idée lointaine et la France, avec son modèle d’armée, une incongruité.

Certains se demandaient s’il était légitime de préparer un nouveau porte-avions, voire d’investir dans du matériel neuf. La guerre durait depuis près de huit ans au Donbass, sans que cela n’intéresse beaucoup. La Chine achetait des terres arables en Ukraine, dans une relative indifférence. Bien que le monde de 2022 eût à affronter de nombreuses turbulences, à peine remis des confinements imposés durant le covid, il régnait un certain irénisme sur la marche du monde.

 

Retour à la matière

 

La guerre en Ukraine a notamment brisé l’idée d’un monde fait d’échanges et de connexions immatériels. Soudainement, le numérique, la tech, l’immatériel sont repassés au second plan, derrière l’essentiel de l’économie : l’énergie. Énergie pour l’homme, avec l’alimentation ; énergie pour les machines, avec l’électricité et le pétrole. En accentuant des cours mondiaux déjà fragilisés, la guerre en Ukraine a démontré l’importance cruciale de ces secteurs. Crainte d’une famine par manque de céréales, crainte d’un black-out par manque d’hydrocarbures, le monde n’était décidément pas qu’un nuage immatériel.

Retour aussi au rôle primaire des États : assurer la sécurité de sa population. Sécurité à l’intérieur bien sûr, mais aussi à l’extérieur, sur ses frontières. La nécessité d’une armée est devenue une idée neuve en Europe : voici la Pologne qui réarme et l’Allemagne qui affirme vouloir disposer de la première armée continentale. Il y a certes encore du chemin de la politique d’intention à la réalité, mais déjà ce fait : ce qui était improbable il y a un an est désormais nécessaire, l’armée, qui était inutile aux yeux de beaucoup, est redevenue une composante essentielle des nations.

 

Fin des rêves

 

Mais l’invasion a aussi mis fin à des rêves, même si beaucoup refusent encore de le voir ; notamment le rêve universaliste. À l’ONU, seuls les pays occidentaux ont voté les sanctions ou les condamnations contre la Russie. L’Inde ne s’est pas alignée sur les États-Unis et le Brésil de Lula a refusé de livrer des armes à l’Ukraine. Les Occidentaux sont peut-être nombreux et puissants, toujours est-il qu’ils sont seuls.

Les sanctions économiques ont échoué : Poutine n’a pas été renversé et la Russie n’a pas infléchi sa politique. Nourris de l’idée que la puissance repose sur l’économie et le soft power, les Occidentaux avaient oublié qu’il existe un autre pilier, le hard power, c’est-à-dire l’armée. Et que pour faire une armée il faut certes des moyens et de la technologie, mais aussi des hommes, une stratégie et une volonté de combattre et donc, potentiellement, de mourir.

Guerre en Ukraine, grande démission, débat sur les retraites, il y a un fil rouge entre ces trois thèmes débattus ces derniers mois : pour quoi voulons-nous vivre et donc pour quelle fin voulons-nous combattre ? Le soutien apporté à l’Ukraine a un peu répondu à cette question : pour la démocratie, la paix, la liberté. Mais si ce modèle peut rassurer les Occidentaux, il n’est plus en mesure d’attirer au-delà de nos frontières.

C’est là l’un des autres bilans de cette année de guerre : beaucoup de pays affirment vouloir vivre non pas contre nous, mais sans nous. Qu’il le fasse est une autre histoire, mais, pour l’Europe et pour l’Occident, il y a ce cheminement en apparence paradoxal de sortir de l’histoire au moment où ils y sont rentrés avec violence et brutalité à l’occasion de cette guerre qui dure.

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