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éditorial / Yves de Kerdrel

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Yves de Kerdrel

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Épargne record
par Yves de Kerdrel

François Bayrou a de nouveau indiqué qu’il allait annoncer des mesures fortes pour consolider les finances publiques. Mais il ne le fera qu’autour de la mi-juillet lorsque les députés seront en vacances. Car il sait que l’effort de 40 milliards d’euros qu’il entend demander à tous les Français suscitera des oppositions à gauche comme à droite et même au centre. Surtout si son plan comporte des mesures fiscales.

01/06/2025 - 06:30 Lecture 9 mn.

La situation politique du moment est faite d’un curieux paradoxe. François Bayrou sait qu’il n’a pas été choisi par le Président de la République. Il s’est imposé en menaçant de faire sauter "le socle commun". Mais le rapport de forces qu’il entretient Emmanuel Macron ne profite ni à l’un ni à l’autre. Le Chef de l’État espérait bien que le Premier Ministre ne sorte pas indemne de son audition à propos de la ténébreuse affaire de Betharram. C’est le contraire qui s’est passé. Puisque "la chasse à l’homme" dont il a été l’objet ce soir-là a renforcé sa stature de chef de gouvernement.

De son côté, Emmanuel Macron a eu beau "passer un savon" à Bruno Retailleau à propos des fuites probables concernant le rapport sur le "Frérisme", la manière dont le ministre de l’intérieur s’en moque royalement montre à quel point tout ce qui se passe à l’Élysée est devenu un "théâtre d’ombres". De cette fin de règne François Bayrou semble s’en accommoder mieux que d’autres. Il ignore le Président de la République, agit de même avec tous les chefs de partis, et laisse les sénateurs et les députés gérer leur propre agenda en cherchant à ne pas les brusquer.

 

Du sociétal à la place des urgences politiques

 

Ce n’est pas un hasard si, à l’occasion d’une interview accordée à Apolline de Malherbe sur BFM TV, il a multiplié les annonces, tout en prenant soin de ne pas évoquer de nouveaux projets de loi afin d’éviter de contrarier des parlementaires qui l’attendent "au tournant". Cette situation est dramatique pour un pays qui fait face à des urgences de toute sorte : dette, déficits, crise de l’école, désindustrialisation, modèle social trop coûteux.

De manière à laisser croire aux Français que le pays n’est pas paralysé, il laisse donc Yaël Braun-Pivet inscrire à l’agenda de l’Assemblée, le maximum de projets ou de propositions de loi de nature sociétale qui parlent de la vie, de la mort, de nos souffrances, de nos faiblesses (le tabac), de la fast-fashion, d’Alfred Dreyfus. Autant de sujets où des majorités larges peuvent se construire. Ce fut le cas sur la fin de vie ; un texte que n’aurait pas voté François Bayrou. Ce fut le cas sur les soins palliatifs, texte voté à l’unanimité. Ce sera le cas dans quelques jours dans l’élévation au généralat du capitaine Dreyfus (même si les députés Modem) ont publié hier une tribune critiquant cette proposition de loi.

Tout cela devrait nous conduire jusqu’à l’avant-veille du 14 juillet. Puisque la conférence des présidents de l’Assemblée a décidé, il y a quelques jours de l’ouverture d’une session extraordinaire, au-delà la session ordinaire qui s’achève le 30 juin, et qui s’étendra jusqu’au 11 ou au 12 juillet. Le gouvernement entend notamment y faire examiner en séance la proposition de loi sur le statut des élus. C’est seulement quand les députés seront rentrés dans leurs circonscriptions et qu’ils seront éloignés des plateaux des chaînes d’information en continu que François Bayrou annoncera donc sa manière de faire couler "du sang, de la sueur ou des larmes" pour franchir "l’Himalaya budgétaire".

 

Un taux d’épargne, signe des inquiétudes du moment

 

À ce sujet il nous faut revenir sur un point intéressant du climat économique actuel en France. Notre économie a donc enregistré une très légère croissance de 0,1 % au premier trimestre, selon les données définitives publiées mercredi par l’Insee. Le détail des chiffres communiqués par nos meilleurs statisticiens montre que si le pouvoir d’achat des Français a augmenté de 0,3 % au cours du premier trimestre, la consommation des ménages s’est repliée de 0,2 % notamment en raison de la chute des achats d’automobiles.

Conséquence directe de cette situation paradoxale en plein repli de l’inflation et des taux d’intérêt : le taux d’épargne des ménages a connu une légère hausse, passant à 18,8 % au premier trimestre contre 18,5 % au dernier trimestre de 2024. Hors période Covid, jamais depuis 1981, l’épargne des ménages n’a été aussi importante. Ce qui la hisse autour de 6 000 milliards d’euros. Manifestement le contexte économique international tendu, mais aussi les inquiétudes sur l’état des comptes publics, poussent les Français à être prudents et à renforcer leur bas de laine quand ils le peuvent. Avec toujours un appétit certain pour l’assurance-vie en dépit de taux de rémunération qui repartent à la baisse.

 

Record historique pour l’assurance-vie

 

Selon les données publiées par France Assureurs, le total des sommes placées sur les contrats d’assurance-vie a augmenté de 1 % le mois dernier, sur un an, pour atteindre 16,5 milliards d’euros sur le mois d’avril. Et le montant total de l’argent placé aujourd’hui dans l’Hexagone sur l’assurance-vie, qui dépassait pour la première fois le cap des 2 000 milliards d’euros en janvier 2025, a atteint 2 028 milliards à la fin du mois d’avril.

Ce sont les fonds placés en euros qui attirent le plus. Car leur capital est garanti, contrairement aux unités de comptes indexées sur les valeurs boursières qui, elles, sont plus risquées et donc plus volatiles. N’oublions pas qu’une grande partie de l’assurance-vie issue des fonds en euros est réinvestie notamment dans des emprunts d’État français. Le Plan Épargne Retraite connaît un vif succès avec un nombre de souscripteurs en hausse de 12 % sur un an. Preuve que nos compatriotes sont plus en avance que les politiques sur le sujet de la capitalisation.

 

Un crédit revolving effectué par les ménages au Trésor

 

Comme me le faisait remarquer, il y a quelques jours le directeur général d’une importante banque, l’épargne "normative" des Français atteint environ 150 milliards d’euros chaque année. C’est aussi le montant du déficit budgétaire – désormais structurel – du pays. Nous sommes donc dans un cas de figure assez insolite où les Français prêtent leur épargne au Trésor qui le redistribue sous forme d’allocations, de retraites trop bien revalorisées, de primes. Ce qui a permis à nos compatriotes d’enregistrer un gain de pouvoir d’achat, au cours des vingt dernières années, très largement supérieur à ce que l’on constatait dans les autres pays européens. Alors que notre croissance économique y était très inférieure.

Ce système de crédit revolving effectué par une partie des ménages à l’État pour qu’il boucle ses fins de mois est triplement absurde. D’abord, parce qu’il n’y a jamais urgence pour nos dirigeants à remettre de l’ordre dans les finances publiques. Ensuite parce que les Français délaissent toujours autant l’épargne productive et préfèrent financer une abstraction – comme l’appelait Bastiat – qui ne crée pas de richesses durables. Enfin parce que jamais nous n’avons eu autant besoin d’investir dans des projets à long terme (intelligence artificielle, transition énergétique, armement), jamais l’épargne n’a été aussi importante et pourtant ces deux besoins ne se rencontrent pas. En attendant peut-être la construction d’une Union des marchés de capitaux qui permettra d’optimiser et d’accroître ces flux d’épargne et ces investissements nécessaires et urgents.

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