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éditorial / Yves de Kerdrel

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Yves de Kerdrel

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Anti-modèle
par Yves de Kerdrel

Le retour d’Emmanuel Macron à la télévision n’a pas rencontré le succès attendu par l’Élysée. Si le Chef de l’État a pointé du doigt la question du financement du modèle social, il a omis de soulever les sujets essentiels de la production de richesses et de la quantité de travail à fournir par les Français. Il a également passé sous silence le thème du réveil de l’Europe au moment où l’arrivée au pouvoir en Allemagne de Frederich Merz ouvre une fenêtre d’opportunité.

18/05/2025 - 06:30 Lecture 11 mn.

En politique, rien ne se passe jamais comme prévu. Emmanuel Macron avait beaucoup misé sur son grand retour télévisuel face aux Français. Son idée était de reconstruire son image de modernisateur du pays un an après la dissolution ratée de l’Assemblée nationale. Car son obsession est désormais que ses dix ans de mandat soient réduits à cette grossière erreur politique. Il souhaitait aussi profiter de la faiblesse de François Bayrou, matraqué par les sondages et attendu en commission d’enquête parlementaire sur l’affaire de Betharram le lendemain de l’émission présidentielle. Ce n’est pas un hasard si Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT et Michel Picon, Président de l’Union des entreprises de proximité, ont été tous les deux sollicités pour interroger le Chef de l’État. Ils ont tous les deux claqué la porte du "conclave" sur les retraites, si cher au Premier Ministre.

Comme on pouvait le craindre, l’émission présidentielle a été bien trop longue. Bien sûr Emmanuel Macron a démontré sa maîtrise de tous les sujets. Bien sûr l’audience a été forte y compris jusqu’à une heure tardive de la soirée. Mais de ces trois heures d’entretiens les médias ont surtout retenu la réponse sans doute "improvisée" faite à Robert Ménard sur la possibilité que la France loue des places de prison à l’étranger. Ce qui pose plus de problèmes de droit que cela n’en résout. Et sur le plan économique la déclaration essentielle du président de la République a porté sur la question du financement de notre modèle social. Relançant, sans le dire vraiment, la piste d’une éventuelle TVA sociale. Treize années après que François Hollande, dont le secrétaire général adjoint à l’Élysée s’appelait Emmanuel Macron, a soigneusement détricoté le projet similaire mis en place – certes tardivement – par Nicolas Sarkozy.

 

Modèle ou anti-modèle

 

Plutôt que de réfléchir uniquement au financement de notre modèle social, peut-être faudrait-il d’abord s’interroger sur l’ampleur de celui-ci. La France se situe en tête des dépenses de protection sociale en Europe. Puisqu’elles représentent environ 32,2 % du PIB. Ce qui les place cinq points au-dessus de la moyenne européenne et 11 points au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE. Le problème de notre modèle social ne réside pas dans l’importance des seules dépenses de santé qui absorbent 10 % de la richesse nationale. Le principal souci vient du fait que nos dépenses sociales permettent à une partie de la population de voir son pouvoir d’achat grimper plus vite que partout ailleurs en Europe.

Peut-on d’ailleurs parler de modèle social, alors que ce n’est plus un modèle et qu’il n’est en rien un élément du progrès social. La multiplication des guichets sociaux n’a pas rendu seulement ce modèle hors de prix. Il en a fait une machine inefficace et contre-productive en rendant l’inactivité coûteuse et en multipliant les trappes à pauvreté. Et ce modèle social si généreux ne semble pas, pour autant, rassurer nos compatriotes. Puisque 54 % d’entre eux craignent plus le chômage que la mort. Ce qui donne raison à Victor Hugo lorsqu’il écrivait : "Ce n’est rien de mourir, c’est affreux de ne pas vivre".

 

Revoilà la TVA sociale

 

Le risque de se focaliser sur la seule question de son financement comme l’a souhaité Emmanuel Macron, c’est de ne pas remettre en question les imperfections de ce modèle. En revanche, qu’une fois réaménagé on le fasse financer en partie par la consommation, et donc par une TVA dite "sociale" est effectivement une bonne idée. À la condition que les salariés voient l’écart entre leur salaire brut et leur salaire net se réduire. Et à condition que le poids des charges patronales s’en trouve réduit. Et avec lui le coût du travail.

Comme l’a expliqué Éric Lombard, c’est effectivement une tâche que l’on doit confier aux seuls partenaires sociaux. De son côté, Patrick Martin, le président du Medef, tout en dénonçant l’immobilisme qui paralyse le pays, a expliqué, de manière énigmatique, dans une interview au Figaro que "certains responsables politiques pourraient avoir intérêt" à se saisir du sujet de la TVA sociale avant 2027. Et il a très légitimement appelé à ce que l’on se préoccupe d’abord de la quantité de travail et de la richesse collective avant de parler de qualité du travail ; rebondissant ainsi sur une autre proposition formulée par Emmanuel Macron.

 

Une date mobilisatrice pour l’Europe

 

Dans les milieux d’affaires, beaucoup ont été surpris de constater qu’au cours de ces trois heures d’émission, Emmanuel Macron n’a parlé de l’Europe qu’au sujet de l’Ukraine ou bien à propos des ambitions de souveraineté et de défense. La puissance de l’Europe doit se compter d’abord par sa capacité à apporter de la prospérité à ses habitants plutôt que par ses munitions. Déjà, il y a un an lors de son second discours de La Sorbonne, le Chef de l’État avait accordé plus d’importance aux questions stratégiques qu’aux défis économiques, technologiques et financiers qui attendent l’Union Européenne.

Par un hasard du calendrier, le lendemain, François Villeroy de Galhau intervenait pour la première fois devant les membres de la Commission des Affaires Étrangères de l’Assemblée nationale que préside Bruno Fuchs. C’était l’occasion pour lui de reprendre et d’amplifier le message qu’il avait déjà distillé dans sa lettre annuelle au Président de la République sur la nécessité de sonner le réveil de l’Europe en profitant de cette fenêtre d’opportunité que constitue l’arrivée au pouvoir en Allemagne de Frederich Merz. Cette mobilisation générale passe d’abord, pour le Gouverneur de la Banque de France par une plus grande intégration du marché unique avec une véritable Union pour l’épargne et l’investissement orientant davantage l’épargne privée vers les fonds propres et le capital-risque en Europe.

Elle passe aussi par "moins de bureaucratie, de procédures et de délais.". Elle passe enfin par un alignement entre "les ambitions politiques et les anticipations des acteurs économiques". Ce qui l’a amené à proposer que la Commission européenne fixe une date mobilisatrice au 1er janvier 2028 avec l’idée que Bruxelles présente dès cette année l’ensemble de ses propositions législatives nécessaires à cette plus grande intégration.

 

Succès attendu pour Choose France

 

Demain a lieu le traditionnel rendez-vous de Choose France qui verra Emmanuel Macron participer à trois tables rondes. L’une sur l’intelligence artificielle dans le sillage du sommet qui s’est tenu à Paris au début du mois de février. La deuxième sur la transition énergétique avec comme principale question celle des métaux stratégiques. Et enfin une troisième avec un bataillon de patrons coréens que l’Élysée a souhaité mettre en avant. Dès jeudi, le Président de la République a participé à un évènement organisé à Paris par JP Morgan avec la présence de Jamie Dimon. Et mardi il assistera à l’inauguration du siège parisien du Public Investment Fund – fonds souverain saoudien – qui a décidé d’ouvrir un bureau dans la capitale.

A priori le montant des investissements annoncés devrait battre un nouveau record. Il est question d’une cinquantaine de projets pour une valeur totale d’au moins 20 milliards d’euros, en nette hausse par rapport aux 15 milliards d’euros de l’année dernière. En termes d’emplois créés ce sera peut-être différent, dans la mesure où les data centers et les centres de logistiques constituent de gros investissements avec peu de main-d’œuvre.

Parmi les personnalités attendues figurent Stephen Schwarzman, le fondateur et patron de Blackstone, David Solomon, Goldman Sachs, Sikander Rashid, dirigeant de Brookfield, Ted Sarandos de Netflix ou encore Chuck Robbins de Cisco. A ceux-là s’ajoutent des patrons francophones, comme Paul du Saillant pour EssilorLuxottica, Stéphane de La Faverie pour Estée Lauder, Philippe Kehren pour Solvay, Pierre-Damien Vaujour pour Loft Orbital, Evan Spiegel pour Snap, Jean-Charles Samuelian-Werve pour Alan ou Arthur Mensch pour Mistral AI.

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