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En attendant la censure
par Yves de Kerdrel

Les Républicains qui, jusqu’à présent, ont tout fait pour éviter que le gouvernement tombe seraient décidés à voter une motion de censure à condition qu’elle porte sur un sujet d’ordre budgétaire. D’autant plus que l’arme de dissuasion de la dissolution ne fonctionne plus. Quant à Gabriel Attal, il navigue à vue entre la ligne rouge interdisant les augmentations d’impôts et une mission sur les rentes qui inquiète.

07/04/2024 - 06:30 Lecture 10 mn.

Les mauvais chiffres des comptes publics pour 2023 communiqués il y a près de deux semaines n’en finissent pas de diffuser un poison lent dans la vie politique du Pays. La majorité présidentielle (qui n’a pas de majorité parlementaire) cherche les moyens de corriger le tir en ayant bien conscience que le coup de rabot de 10 milliards d’euros annoncé à la mi-février est très insuffisant. Surtout elle se fissure de plus en plus entre ceux qui, comme Bruno Le Maire, rappellent sans cesse la ligne rouge de la non-augmentation des impôts et ceux, tels François Bayrou ou Yaël Braun-Pivet, qui ne souhaitent pas que l’on ferme d’emblée cette porte.

Gabriel Attal a semé le trouble de son côté en suggérant aux parlementaires Renaissance de lui faire des propositions d’ici le mois de juin sur la taxation des rentes, évoquant même au passage la création d’un groupe de travail sur le sujet. C’est le rapporteur général du budget, Jean-René Cazeneuve et le président du groupe Modem, Jean-Paul Mattei - notaire de son état - qui devraient prendre en charge cette tâche. Lors de sa première séance de réponse aux questions orales des députés le Premier Ministre a cité les rentes inframarginales des énergéticiens et les profits indus liés à la spéculation dans le cadre de l’inflation, réfutant les idées qui avaient eu le temps de fleurir sur une taxation de certains produits d’épargne.

 

Attractivité financière

 

Il est aussi permis de penser que cet exercice sur les rentes est un moyen de mieux faire passer auprès des députés Renaissance une nouvelle réforme de l’assurance-chômage qui viendrait durcir les conditions d’indemnisation. Car à l’Élysée on continue de répéter que le rétablissement des comptes publics n’interviendra que par une remontée en puissance de l’activité économique. Par ailleurs, au moment où se prépare la discussion d’une proposition de loi destinée à renforcer l’attractivité financière de la Place de Paris, déposée par Alexandre Holroyd, membre de la commission des finances et président très actif de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts, le message d’une contribution exceptionnelle serait très contreproductif.

Dans la mesure où la notion d’un impôt unique représente le degré zéro de la fiscalité. À l’image de la proposition faite par Nicolas Sarkozy en 2012 – et vite abandonnée ! - de taxer le chiffre d’affaires des cent plus grands groupes français… Il reste que certaines idées refont surface, comme celle du député de Paris David Amiel, par ailleurs visiteur du soir très écouté par Emmanuel Macron, qui pousse un projet d’impôt minimum sur les grandes fortunes à l’échelle européenne de manière à éviter les distorsions de concurrence fiscale entre la France et ses pays voisins.

 

L’arme de la dissolution ne fonctionne plus

 

Face à ce concours Lépine de la taxation, la droite, qui n’a pas d’idée pour rétablir les comptes publics, mais qui s’en donne à cœur joie pour dénoncer l’amateurisme du gouvernement en la matière, semble vouloir tirer un trait sur son "surmoi" qui l’empêchait, jusqu’à présent de voter les motions de censure déposées à l’occasion de chaque déclenchement de l’article 49-3. Même si certains députés avaient déjà franchi ce Rubicon, il y a un an lors du vote concernant la réforme des retraites. Plus qu’une question de responsabilité politique, ce refus de voter la censure était surtout justifié par une crainte de voir le Président de la République procéder à une dissolution de l’Assemblée nationale. Avec à la clé une nouvelle perte de sièges pour le groupe Les Républicains.

Selon nos informations, si les hiérarques du parti de la Rue de Vaugirard sont désormais prêts à voter une censure, c’est parce qu’ils sont convaincus que face au risque de voir arriver à l’Assemblée une majorité issue des rangs du Rassemblement National, Emmanuel Macron s’interdira d’utiliser l’arme de la dissolution. Et il sera contraint de chercher à créer un gouvernement d’union nationale. Des noms de Premier Ministre capables de rassembler de Renaissance à LR émergent comme ceux de Xavier Bertrand, de François Baroin ou de Gérard Larcher. D’autres, y compris au sein du gouvernement, verraient même la censure comme une planche de salut. C’est le cas de Bruno Le Maire dont les relations avec Emmanuel Macron sont sinon inexistantes du moins fraîches. C’est le cas aussi de Gérald Darmanin qui a prévu de quitter la Place Beauvau après les Jeux Olympiques pour se préparer au marathon de l’élection présidentielle.

 

Vers un début d’été compliqué

 

Autant dire que la période qui va suivre les élections européennes du 9 juin jusqu’à l’ouverture des Jeux Olympiques pourrait s’avérer troublée et pas seulement sur le plan de la circulation à Paris. Lors d’une rencontre avec la presse parlementaire jeudi dernier, Mathilde Panot, présidente du groupe LFI s’est déclarée favorable au dépôt d’une motion de censure si le gouvernement ne déposait pas avant l’été un projet de loi de finances rectificative. Elle a aussi indiqué que si le groupe LR ou le groupe LIOT déposait leur propre motion de censure, les Insoumis les voteraient.

Il n’y a donc pas que les questions de sécurité liées à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques qui vont donner des maux de tête aux conseillers élyséens. Mais aussi le risque que le Premier Ministre se trouve renvoyé dans ses foyers au moment où la célèbre flamme s’approchera de la capitale. Sans compter que toute faille sécuritaire se trouverait mise au passif du gouvernement. La rédaction d’Europe 1 a révélé que Gérald Darmanin a assisté, il y a quelques jours, à un "briefing" dans les bureaux de la DGSI. Nos excellents services de sécurité intérieure auraient cherché à convaincre le premier flic de France que le format actuel de l’événement sur la Seine présente trop de risques pour être maintenu et qu’il faut d’urgence basculer sur un plan B.

 

L’inflation plus basse que prévu

 

Il y a tout de même des raisons de se réjouir. L’inflation en zone euro a ralenti plus que prévu en mars, selon des données préliminaires publiées par Eurostat. L’indice des prix à la consommation calculé aux normes européenne (IPCH) a augmenté de 2,4 % sur un an le mois dernier dans les 20 pays partageant la monnaie européenne, après 2,6 % en février. Le consensus Reuters attendait une hausse de 2,6 %. Ce chiffre constitue une bonne nouvelle pour la BCE alors qu’un consensus commence à émerger au sein du conseil des gouverneurs sur une première baisse des taux en juin.

Le gouverneur de la banque centrale autrichienne, Robert Holzmann - considéré comme un "faucon" - s’est ainsi déclaré mercredi favorable à un assouplissement monétaire en juin. De fait, les craintes que le "dernier kilomètre" de l’inflation ne se révèle plus compliqué à couvrir semblent infondées. Alors que l’inflation des services demeure élevée à 4 %, selon les chiffres de mercredi. La prochaine réunion de la BCE se tiendra jeudi prochain. Toute la question est de savoir si Christine Lagarde actera, comme d’autres l’on déjà fait, que la bataille contre l’inflation a été gagnée. Ce qui constituerait un tournant dans la politique monétaire de la zone euro.

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