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éditorial / Yves de Kerdrel

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Yves de Kerdrel

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Et maintenant ?
par Yves de Kerdrel

Après le dérapage spectaculaire de ses comptes publics en 2023, la France est en mauvaise posture vis-à-vis de Bruxelles et des agences de notation. Cela n’empêche pas nos dirigeants de nier que le problème français tient à l’importance des dépenses publiques. Et d’éviter à tout prix de se poser la question de leur efficacité. Ce qui est le meilleur moyen de ne pas les réduire.

31/03/2024 - 06:30 Lecture 9 mn.

 

Qu’il s’agisse de Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie et des finances ou de Thomas Cazenave, son ministre délégué chargé des comptes publics, pas question de reconnaître la moindre faute, la moindre erreur ou la moindre légèreté. Si le déficit public a bondi à 5,5 % du PIB en 2023, alors que le gouvernement tablait sur 4,9 % du PIB, c’est en raison d’une forte baisse des recettes "constatée en fin d’année". Selon Thomas Cazenave, ce n’est que début décembre que Bercy aurait reçu les premières alertes sur des rentrées fiscales moins importantes que prévu.

Si tel est le cas, cela pose un problème sinon sur le budget 2024, du moins sur la discussion budgétaire, dans la mesure où il n’en a jamais été question. À défaut de s’interroger sur l’insincérité des comptes publics, il serait légitime de se poser la question de leur transparence. Surtout lorsque l’on apprend que Jean-François Husson, le rapporteur de la Commission des Finances au Sénat - qui a effectué il y a dix jours un contrôle sur pièces à Bercy – a découvert une note en date du 16 février émanant des services de Bruno Le Maire estimant que l’écart à combler pour respecter la loi de programmation des finances publiques est non pas de 10 mais de 30 milliards d’euros.

 

Crédibilité de la parole publique

 

Cette question n’est pas anecdotique. Car elle touche in fine à la crédibilité de la parole publique. À partir du moment où le chiffre de la croissance estimée pour 2024 dans le cadre du processus budgétaire est contesté par beaucoup d’économistes et par le Haut Conseil des Finances Publiques sans que le ministre juge bon d’amender son projet de loi de finances, comment peut-on croire qu’il agit avec la diligence ? Comment peut-on croire qu’il a découvert si tardivement la baisse des recettes fiscales ? Comment peut-on croire qu’il agisse avec courage en procédant à un coup de rabot de 10 milliards d’euros ?

C’est une chose de dénoncer le réel simplisme des mouvements populistes sur les questions de finances publiques. C’en est une autre que de ne pas apporter de l’eau à leur moulin en donnant le sentiment qu’il manque un pilote dans l’avion des comptes publics et d’asséner un discours qui finit par ne plus être audible.

 

Pourquoi réformer l’assurance-chômage ?

 

Face à cette situation le gouvernement a décidé de s’en tenir à une position simple : ne rien faire qui gêne la politique de l’offre mise en place depuis une dizaine d’années et qui a permis la création de 2,5 millions d’emplois. Et tout miser sur le plein-emploi afin de rétablir les comptes publics. La réforme de l’assurance-chômage prônée par Gabriel Attal n’est donc pas un moyen pour faire faire des économies à la sphère sociale. Elle est un instrument au service de ce but qu’est le plein-emploi visé pour 2027.

Si les chômeurs n’étaient pas les seuls à supporter les conséquences de la légèreté budgétaire de nos politiques, ce discours serait presque parfait. Presque seulement. Car à aucun moment, au cours de la semaine écoulée, il n’a été question de s’attaquer à ce monstre des dépenses publiques. L’Insee a eu beau se féliciter que ces dépenses ont reculé pour s’établir à 57,3 % du PIB après 58,8 % en 2022 et 59,6 % en 2021, elles demeurent sensiblement supérieures à leur niveau de l’avant Covid (55,2 % du PIB en 2019). Il faut dire que la charge d’intérêts de la dette représente à elle seule 1,8 % de la richesse nationale.

 

Deux impératifs

 

Intervenant jeudi dernier à Dauphine sur la manière dont la politique monétaire menée dans la zone Euro a eu raison de l’inflation, François Villeroy de Galhau a tenu à dire en introduction quelques mots sur les finances publiques françaises. Pour le gouverneur de la Banque de France la dégradation des comptes publics appelle deux impératifs. "Le premier, c’est d’affronter la vérité et de faire maintenant preuve de crédibilité : voilà quinze ans que notre pays et ses gouvernements successifs ne tiennent pas leurs engagements pluriannuels de redressement. Le second impératif, avant de prendre des décisions éventuellement nécessaires sur les impôts, c’est de nous occuper enfin sérieusement des dépenses." Pour notre grand argentier : "il est plus que temps, non pas de décréter l’austérité et la baisse générale des dépenses, mais d’arriver à leur stabilisation globale en volume. Cela suppose un effort de priorisation et d’efficacité, juste et partagé par tous : État, mais aussi collectivités locales et prestations sociales."

 

Efficacité ou efficience

 

Il y a deux éléments dans ses propos qui ont été complètement absents des propos tenus ces derniers jours. D’une part la nécessité de se préoccuper de l’efficacité de la dépense publique, et de certaines en particulier. Lorsqu’il était ministre des Comptes publics et qu’il avait instauré les dialogues de Bercy, Gabriel Attal avait promis de lancer un audit de l’efficacité de la dépense publique. On l’attend toujours.

La question concerne notamment les dépenses de fonctionnement à un moment où les Français semblent constater une dégradation de la qualité des services publics (hôpitaux, écoles, justice). France Stratégie, que dirige Gilles de Margerie, avait lancé le concept intéressant de "frontière d’efficience". Celui-ci consiste à comparer au sein de différents pays le rapport entre chaque type de dépense publique et un ou plusieurs indicateurs internationaux de résultat (par, exemple, le score PISA pour l’enseignement). Il est dommage que ces travaux soient demeurés confidentiels.

 

Liberté et équité

 

Le second élément important mis en avant par François Villeroy de Galhau concerne un effort juste et partagé par tous. Peut-être y a-t-il une justification macroéconomique à vouloir réduire l’indemnisation des chômeurs ? Peut-être n’est-ce qu’un obscur motif financier ? Ce serait en tout cas une erreur que de ne s’attaquer qu’à une catégorie de français, et pas forcément les plus aisés. Le sujet n’est pas de mettre en place un impôt sur les hauts revenus ou une contribution sur les superprofits de certaines entreprises (qui sont souvent des mesures symboliques). Le sujet est de faire en sorte que l’effort soit partagé par tous.

Si la réforme des retraites adoptée il y a un an a été un échec en termes d’efficacité financière, de dialogue social et d’acceptation politique, c’est parce qu’elle ne faisait supporter l’effort que par les salariés. À la différence de la réforme menée par Éric Woerth qui comportait des mesures visant les stock-options, les plus-values, la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu ou les cotisations des fonctionnaires. En ce week-end pascal quelle bonne idée que de relire la célèbre "Théorie de la justice" du philosophe libéral américain John Rawls pour qui une société juste doit s’appuyer sur des principes qui garantissent la liberté et l’équité.

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