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Chroniques / Jean-Baptiste Noé

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Jean-Baptiste Noé

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Haïti s’enfonce dans l’horreur
par Jean-Baptiste Noé

Sans gouvernement, tenue par les gangs, Haïti est en proie à des violences croissantes qui rendent de moins en moins possible une sortie de crise. L’effondrement de l’île menace l’espace caraïbe, qui est aussi un espace français.

16/03/2024 - 08:30 Lecture 5 mn.

Quand, en juillet 2021, le président haïtien Moïse Jovenel est assassiné, c’est un nouveau basculement qui s’opère pour Haïti. Le Premier ministre Ariel Henry, nommé quelques semaines auparavant, devient chef d’État par intérim. Un provisoire qui dure encore puisque près de quatre ans plus tard, le pays n’a toujours pas de nouveau président. Ni aucun autre représentant officiel puisque les mandats de l’Assemblée arrivés à échéance n’ont pas été renouvelés, faute de pouvoir organiser de nouvelles élections. Haïti se retrouve donc sans pouvoir officiel, sans élu, avec une administration qui s’étiole de jour en jour. Et, pire encore pour la population, des forces de sécurité qui se retournent contre les habitants.

 

De chef de police à chef de gang

 

Craignant un coup d’État militaire, l’armée a été affaiblie et réduite par les différents gouvernements. Seule la police est demeurée active, notamment pour lutter contre les gangs, de plus en plus virulents au fur et à mesure qu’ils se nourrissaient du trafic de drogue venant d’Amérique latine, transformant Haïti en plateforme des trafics dans le monde caraïbe, à destination des États-Unis et des îles touristiques. L’un des chefs de police, Jimmy Cherizier, s’est ensuite retourné contre l’État, fondant son propre gang et semant la terreur dans les rues d’Haïti. Surnommé "Barbecue" en référence aux nombreuses maisons et victimes qu’il a fait incendier, Cherizier a lancé plusieurs offensives à Port-au-Prince depuis février, aboutissant à la chute de l’État haïtien.

Attaques contre des prisons permettant de faire sortir des prisonniers violents, aussitôt intégrés à son gang, attaques contre les commissariats et les bâtiments officiels, attaque enfin contre l’aéroport international d’Haïti, au moment où le Premier ministre était en voyage au Kenya pour demander l’aide militaire et une intervention des forces armées du pays africain. Résultat : Ariel Henry est désormais interdit d’accès à Haïti et Barbecue est le dirigeant de fait du pays. Les gangs contrôlent la quasi-totalité de la capitale, multipliant les massacres, les exactions et les violences. Le tout en lien avec les narcotrafiquants, qui font transiter leurs marchandises, moyen pour les gangs de se financer et de se maintenir au pouvoir.

 

Bouillonnement haïtien

 

Le Kenya a annoncé suspendre sa mission militaire, ce qui laisse le champ libre aux gangs. La République dominicaine voisine, qui suit avec inquiétude l’effondrement de son voisin, a positionné son armée le long de la frontière afin d’empêcher l’arrivée de réfugiés qui amèneraient avec eux les ramifications des gangs. L’île est plus fracturée que jamais, entre une République dominicaine relativement prospère et développée et Haïti qui compte parmi les pays les plus pauvres et les plus violents de la planète. Aujourd’hui, il n’y a plus aucune structure étatique à Haïti. Le pays est entièrement sous la coupe de gangs surarmés et ultraviolents, où le vaudou, structure spirituelle omniprésente à Haïti, contribue à tenir les hommes et à accroître la violence de personnes fanatisées et possédées. Une intervention militaire ou policière apparaît d’avance inutile : à moins de mener une guerre ouverte contre des gangs structurés qui ne craignent nullement la mort, elle n’a aucune chance d’aboutir.

Mais l’effondrement d’Haïti est une très mauvaise nouvelle pour ses voisins et pour tout l’espace caraïbe qui peut craindre une extension des réseaux narcos et une déstabilisation de leurs propres structures. En premier chef la République dominicaine, frontalière d’Haïti, en second lieu les autres îles, dont les Antilles françaises. La Guadeloupe et la Martinique sont situées à peine plus de 1 000 km d’Haïti. Si elles sont certes protégées par leur insularité, il n’est jamais bon d’avoir à ses portes un territoire tenu par les narcos. Une extension de la criminalité et des réseaux de la drogue est une hypothèse qui n’est nullement à exclure. Ce qui se passe à Port-au-Prince, aux portes de la France, pourrait tout à fait, à terme, déstabiliser les territoires d’outre-mer.

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