Chronique
Jeux Olympiques : le risque de l’impuissance
par Jean-Baptiste Noé

Finalement, la communication officielle tente de faire marche arrière. Après avoir dit aux Parisiens et aux Franciliens qu’il allait falloir s’adapter aux JO, c’est-à-dire quitter Paris pour les vacances ou le travail, le ministère des Sports tente désormais de convaincre la population de rester. Trop tard, le mal est fait.

Cette semaine, les mauvaises nouvelles se sont accumulées, qui toutes ternissent les JO. D’abord l’officialisation d’un déficit plus important que prévu, ensuite l’annonce de la venue d’armées étrangères pour sécuriser les Jeux.

L’annonce de la gravité de la dette n’a surpris personne, si ce n’est qu’elle est plus importante que prévu, mais dans le cadre à venir des Jeux olympiques cela n’augure rien de bon. Tous les Jeux ont dépassé le budget initial et nécessitent au minimum 20 ans pour être payés. Les Jeux d’Athènes (2004) furent l’un des facteurs accélérateurs de la crise économique grecque, en plombant les comptes du pays et de la capitale. Montréal a mis près de 25 ans à payer ses Jeux (1976) sans que les bénéfices obtenus soient évidents. Dans un pays surendetté et une capitale très mal gérée, la facture des Jeux va s’avérer très salée et risque de participer au déclassement du pays.

Une image dégradée

L’annonce jeudi selon laquelle des pays étrangers vont envoyer des soldats pour participer à la sécurisation des Jeux est une autre atteinte à l’image de la France à l’international. Sur le plan pratique, cet envoi sera minime et sera composé essentiellement de brigades cynophiles tout à fait utiles. Mais l’image renvoyée à l’international est désastreuse : la France, puissance nucléaire, ne dispose pas des moyens humains et techniques pour sécuriser son propre territoire et appel à l’aide d’autres pays. Difficile ensuite de prétendre jouer un rôle de premier plan dans le concert des nations quand on ne peut pas être maître chez soi. C’est un bien mauvais signal envoyé aux Russes et aux Chinois.

Il en va de même de la fameuse cérémonie d’ouverture, particulièrement anxiogène, qui en captant toute l’attention médiatique contribue à dégrader l’image des Jeux. L’idée n’est pas mauvaise et elle aurait pu renvoyer de belles images de Paris, avec ces bateaux-mouches défilant sur la Seine dans un décor historique somptueux. Mais réduite de semaine en semaine, il ne restera plus grand-chose du projet de défilé. Les services sont sur les dents, la province est dégarnie pour renforcer la sécurité de Paris, sans être à l’abri d’un acte isolé et imprévisible.

Pour un terroriste qui veut faire parler de lui et de son organisation, une attaque à la cérémonie d’ouverture est le Graal suprême. C’est même un message fort envoyé à tous les terroristes du monde à tenter une attaque puisque le terrorisme est d’abord un moyen violent de communication. Si tel devait être le cas, les Jeux de Paris resteraient dans l’histoire, mais pour une mauvaise raison. Les multiples vols et pertes de clefs USB contenant des plans de sécurité témoignent d’un amateurisme certain et accroissent le risque d’attaques, là aussi en éprouvant la réputation de la France à l’étranger.

Une population qui s’en détourne

Le résultat, c’est que la population française est de plus en plus détachée de ces Jeux. Un sondage ViaVoice rendu public lundi dernier aux Assises du journalisme de Tours dévoile ainsi que seuls 37 % des Français attendent avec un peu ou beaucoup d’impatience les JO. Pour 63 % des Français, les Jeux ne sont pas donc attendus. Nous sommes très loin d’un engouement populaire et d’une cohésion nationale. La manne touristique promise rétrécit au fur et à mesure que les Jeux approchent. Une note de l’Office de Tourisme et des Congrès de Paris évalue ainsi que "Le volume de touristes pour participer au JO sera légèrement supérieur à celui d’une année normale". Toute la subtilité étant dans le "légèrement" qui signifie que ce ne sera pas la poule aux œufs d’or initialement annoncée. Les hôtels sont loin de faire le plein et les billets des jeux paralympiques ne se vendent pas.

Lorsque les Jeux furent attribués à Paris en 2015, il était impossible de prévoir la situation sécuritaire et géopolitique de 2024. Dix ans plus tard, le monde n’est plus le même. Ce qui devait participer du soft power français et d’une politique d’influence pour la France mondiale est en train de se retourner contre elle. Rien n’est perdu et les Jeux seront peut-être un grand succès. Mais à quelques semaines de leur ouverture il y a urgence pour ne pas faire des Jeux un désastre pour l’image et la réputation de la France.