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Chroniques / Jean-Baptiste Noé

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Ukraine : la contre-offensive aura-t-elle lieu ?
par Jean-Baptiste Noé

Annoncée il y a un an, la contre-offensive ukrainienne tarde à se mettre en place. Il y a pourtant urgence à reprendre la main, pour rassurer la population ukrainienne et les Européens et pour trouver une solution à la guerre. 

06/05/2023 - 08:30 Lecture 5 mn.

Plus une guerre dure, moins elle peut trouver de solutions. Pour l’Ukraine, l’enlisement du conflit est la pire chose qui soit, car cela entraîne une routine de la guerre qui finit par lasser. Le front étant quasiment statique depuis plusieurs mois, l’idée s’installe que les armées en resteront là. Une issue à la coréenne, avec une ligne de démarcation ponctuée de coups de canon réguliers et une occupation de l’est de l’Ukraine qui transmet de fait ce territoire à la Russie. Pour Moscou, c’est l’un des meilleurs scénarios, car cela lui permet de contrôler le terrain et diminuer la pression militaire à petit feu. Pour Kiev, au contraire, c’est la pire chose qui soit puisque cela la prive de 20 % de son territoire et installe l’extraordinaire dans la normalité. Si l’Ukraine veut espérer revoir ses territoires perdus, elle doit reprendre l’offensive.

 

Contre-attaquer oui, mais quand ?

 

La contre-offensive est donc une nécessité, d’une part pour faire refluer la Russie, d’autre part pour montrer à ses alliés que l’Ukraine a encore de la ressource combattante et donc qu’il faut continuer de la soutenir. La contre-offensive est annoncée depuis juin 2022, et sans cesse reportée. Initialement annoncée pour le printemps, puis pour la fin juillet, avec un million d’hommes qui étaient censés être mobilisés, puis pour la fin de l’été et à nouveau pour le printemps, mais en 2023 cette fois, la contre-offensive a pris les habits de l’Arlésienne. Par manque de munitions, d’hommes, de tactique.

Or le temps qui passe joue en défaveur de l’Ukraine. La ville de Bakhmout est quasiment aux mains des Russes. L’offensive, lancée en novembre 2022, n’a toujours pas permis à la Russie de prendre la ville, en dépit des rodomontades du groupe Wagner. Sept mois plus tard, la ville est quasiment sous contrôle russe mais plusieurs quartiers échappent encore à Moscou. Ce qui démontre à la fois la difficulté de l’Ukraine à repousser l’assaillant, mais aussi celle de la Russie à réussir une opération. Bakhmout est le symbole de cette guerre qui s’enlise et de l’incapacité des deux États à réussir leurs offensives. L’Ukraine doit donc reprendre la main sur une guerre qui lui échappe.

Une reprise en main nécessaire pour rassurer sa population et pour maintenir l’effort de guerre et le moral des troupes ainsi que pour rassurer les partenaires européens sur la nécessité d’aider Kiev. La contre-offensive ne se fera ni sans l’Ukraine ni sans l’Europe.

 

Problèmes logistiques

 

Mais en matière militaire les bons sentiments ne suffisent pas et la pensée magique montre vite ses limites. Après un an et demi de guerre, l’Ukraine souffre de pertes humaines lourdes, morts et blessés ; des pertes qui nuisent à une contre-offensive réussie. Impossible de connaître le nombre exact puisque les sources sont divergentes. Il est évident que ni la Russie ni l’Ukraine ne vont communiquer sur leur nombre de blessés et de morts. Il en va de même pour les armements. L’Europe a promis beaucoup, mais se montre très limitée en termes de production.

Thierry Breton a ainsi présenté le nouveau plan de production d’armements nommé Act to support ammunition production (acronyme Asap) qui a pour objectif de produire un million de munitions annuelles d’ici un an. Une version Asap qui est donc toute relative tant il est peu certain que l’Ukraine puisse attendre un an de plus. La Commission a promis de mettre 500 millions d’euros sur la table pour aider l’industrie militaire. Une bonne nouvelle certes, mais encore faut-il pouvoir relancer un secteur industriel à la peine. L’argent ne suffit pas. Encore faut-il y ajouter les matériaux nécessaires à la construction des armes et les compétences humaines, c’est-à-dire la formation d’ouvriers spécialisés. Tout cela ne se fait pas en quelques mois ni avec de grands discours politiques.

Ici se confrontent trois temps : le temps militaire, le temps politique et le temps industriel, qui ne coïncident pas. En promettant sa contre-offensive l’Ukraine prend donc de grands risques : d’abord que celle-ci ne se fasse pas, comme en 2022, ce qui nuirait à son image à l’international, ensuite que la contre-offensive ait lieu, mais qu’elle soit un échec, ce qui serait encore pire. Il y a donc urgence à faire, mais surtout à bien préparer pour ne pas partir trop tôt et risquer un échec qui pourrait être fatal à Zelensky et la guerre de l’Ukraine.

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