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Chroniques / Jean-Baptiste Noé

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Jean-Baptiste Noé

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Soudan : reprise de la guerre
par Jean-Baptiste Noé

La guerre civile a repris au Soudan. Depuis le 15 avril, les deux militaires à la tête de l’État s’affrontent pour tenter d’accaparer le pouvoir. Une situation qui ravage la capitale et menace l’unité du pays. 

22/04/2023 - 08:30 Lecture 5 mn.

Le samedi 15 avril, Khartoum, la capitale du Soudan, a basculé dans la guerre civile. La cause en revient à la rivalité du duopole à la tête de l’État et à l’imbrication des affrontements ethniques et économiques du pays.

Tout débute en 2019 quand l’ancien dirigeant du pays, Omar el-Béchir, est chassé par un coup d’État. Un gouvernement de transition est installé, à son tour renversé à l’automne 2021, par le général Abdel Fattah al-Burhan et Mohammed Hamdan Dagalo, surnommé "Hemetti". Le premier prend la tête du pays et doit s’appuyer sur le second qui dirige la milice redoutée des Forces de soutien rapide (FSR). Les deux promettent un gouvernement de transition et la tenue d’élections libres afin de permettre à un gouvernement civil de diriger le pays. Comme souvent dans ce type d’attelage bancal, cela ne pouvait finir que par les armes. Hemetti a tiré le premier. Persuadé qu’al-Burhan cherchait à l’éliminer, ce qui n’est pas faux, il a lancé ses FSR à l’assaut du palais présidentiel de Khartoum et des points névralgiques de la capitale. Un choc qui se devait d’être rapide, mais qui n’a pas suffi à renverser le gouvernement.

Al-Burhan a répliqué en envoyant l’aviation et en faisant usage des garnisons militaires encore sous sa direction. Depuis lors, les combats durent. L’aéroport international a été pris d’assaut, plusieurs avions ont été cloués au sol, et un appareil de la Saudi Airlines a été incendié. Les hôpitaux ne fonctionnent plus, les moyens de communication sont coupés. Il y aurait officiellement 300 morts côté civil, mais le bilan réel est bien plus lourd, quoiqu’inconnu. L’héritage d’Omar el-Béchir, qui a dirigé le Soudan trente années durant, est donc revendiqué par les deux factions qui tentent de devenir seul maître à bord du Soudan. Mais Khartoum n’est pas le seul enjeu et l’analyse géopolitique nous conduit à entrer dans la complexité géographique de ce pays.

 

Un Soudan déstructuré

 

Situé sur l’axe nilotique et disposant d’un port au bord de la mer Rouge, le Soudan fut longtemps une base arrière de l’Égypte avant que les Anglais ne l’intègrent dans leurs possessions coloniales. Sa partie nord-est arabe et nilotique, l’ouest appartient au monde du Sahel et le sud à la zone de l’Afrique noire et équatoriale avec une frontière donnant sur le Congo et l’Ouganda. Depuis les années 1990, le Soudan ne cesse de se déstructurer. Le sud a fait sécession en 2011 pour devenir le Soudan du Sud.

Un pays qui possède certes d’immenses gisements pétroliers, mais dont le seul accès à la mer est port Soudan et qui, depuis son indépendance, est englué dans une guerre civile qui fait de lui l’un des pays les plus pauvres du continent. L’ouest du pays, "la maison des Fours" ou Darfour, est en lutte constante pour son indépendance. Opposition entre les peuples arabes du Soudan et les peuples non arabes du Sahel, les Fours, la guerre du Darfour est l’un des grands drames humanitaires de l’Afrique.

C’est pour mater cette révolte qu’Omar el-Béchir a encouragé la constitution de milices arabes, comme les janjawid, dont l’une des branches a donné les Forces de soutien rapide dirigées par Hemetti. Celui-ci a organisé une répression sanglante des populations du Darfour, allant de l’épuration ethnique à la razzia dans les villages. L’ordre presque rétabli, il a pu bénéficier du soutien d’el-Béchir et ainsi monter dans l’organigramme politique. Un soutien moral doublé d’une puissance militaire qui a fait de lui l’un des hommes forts du Soudan. D’où sa tentative de coup d’État menée depuis le 15 avril.

 

Intérêts régionaux

 

Si les causes du coup d’État sont exclusivement nationales, ce dernier excite bien évidemment l’intérêt des puissances voisines. L’Égypte, qui a toujours vu le Soudan comme son arrière-cour, surveille la situation avec grande attention, tout comme l’Éthiopie, qui ne serait pas contre un fractionnement du pays. Mais cela se passe dans un environnement qui est déjà très fortement dégradé. L’Éthiopie est en proie à des rivalités ethniques multiples qui déchirent le pays, le Tchad et la Centrafrique ne sont pas à meilleure enseigne. Certes la France regarde peu l’Afrique australe, l’axe du Nil et les Grands Lacs. Cela ne signifie pas que cette région du monde nous soit étrangère. Clef de voûte de la vallée du Nil, si le Soudan venait à faillir, comme ses voisins, ce serait une crise très négative et pour l’Afrique et pour l’Europe.

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