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Macron assume sa droite
par Yves de Kerdrel

Quelques jours après que Nicolas Sarkozy a invité Emmanuel Macron à passer un contrat de gouvernement avec la Droite, le Président de République a exprimé le souhait, lors de son intervention télévisée, de créer une majorité de circonstances avec Les Républicains. Le problème c’est que la Droite est en lambeaux. Et les rares parlementaires de droite raisonnable sont aujourd’hui peu légion, le gros des troupes s’apprêtant à courir, avec Éric Ciotti, derrière le Rassemblement National.

30/10/2022 - 06:30 Lecture 12 mn.

 

C’est une information que La Lettre de l’Expansion va publier demain. Emmanuel Macron et Nicolas Sarkozy se sont parlé longuement en début de semaine. Une discussion pas comme les autres. Puisqu’elle intervenait après la parution d’une très longue interview de l’ancien locataire de l’Élysée, dimanche dernier dans le JDD, et juste avant l’émission de France 2 "l’Événement" de mercredi soir durant laquelle le Chef de l’État est notamment revenu sur la réforme des retraites.

Dans son interview au JDD, Nicolas Sarkozy invitait son successeur à l’Élysée à passer un "contrat de gouvernement" avec la Droite et à se poser en défenseur de l’ordre, du travail et du mérite. Mercredi dernier, Emmanuel Macron a largement tendu la main à la droite, tirant la leçon de la coalition des extrêmes lors du vote de la motion de censure contre Élisabeth Borne. Il a également répété à plusieurs reprises qu’il se battrait contre "le désordre" et pour "le travail". Ce qui lui a permis de faire le lien avec la réforme des retraites qu’il a un petit peu détaillée.

 

Les bons conseils de Nicolas Sarkozy sur l’ordre et le travail

 

La dernière rencontre entre les deux hommes datait de l’été dernier à l’occasion d’un dîner au Fort de Brégançon avec leurs épouses. Depuis Nicolas Sarkozy n’avait pas épargné l’attitude du Président de la République en raison de ses hésitations sur la manière de faire la réforme des retraites ou lors des grèves des raffineries sur le "désordre" qui s’installait dans le Pays. On croyait le climat entre les deux hommes sérieusement refroidi.

C’est donc Emmanuel Macron qui a pris l’initiative en appelant longuement le locataire de la Rue de Miromesnil de manière à préparer son intervention télévisée. Nicolas Sarkozy l’a invité à se montrer souple sur la réforme des retraites – d’où l’incidente d’Emmanuel Macron sur la retraite à 64 ans – mais ferme sur les notions d’ordre, de travail et de mérite qui parlent directement aux classes moyennes. Celles qui risquent de passer dans un extrême ou un autre à cause de leurs difficultés à finir le mois et qui ne supportent pas le désordre.

 

La droite continue à vouloir négocier cher son soutien

 

Emmanuel Macron a donc franchi le Rubicon. Après avoir volontairement installé à Matignon une femme clairement marquée à gauche, ancienne du cabinet de Jospin, il a compris qu’il lui fallait désormais créer une forme d’alliance durable avec les Républicains et l’UDI qui comptent 65 députés. C’est d’ailleurs parce que Bruno Le Maire a su habilement jouer de ses relais historiques dans son ancien parti qu’il a pu faire passer, au cours du mois de juillet dernier, "le paquet pouvoir d’achat".

L’arithmétique parlementaire est pourtant simple. Les groupes Renaissance, Modem et Horizons comptent ensemble 250 députés. Il en manque donc 39 pour avoir la majorité absolue. Les députés Républicains sont 62. Le problème c’est que la droite parlementaire s’est émancipée depuis longtemps de ce que dit et pense Nicolas Sarkozy. Olivier Marleix, le président du groupe LR, a donc réagi à l’appel du chef de l’État, affirmant que son parti pourrait voter en faveur d’un texte s’il est "utile". Pour autant, le numéro un du groupe a refusé toute alliance : "On n’est pas dans le marchandage avec le gouvernement".

 

Une main tendue qui arrive trop tard

 

Si la main tendue d’Emmanuel Macron doit être saluée, elle arrive sans doute six mois trop tard. Il y a déjà dix-huit mois, Christian Estrosi, téléguidé par Nicolas Sarkozy avait proposé à Emmanuel Macron un contrat de gouvernement avec la Droite qui n’aurait pas présenté de candidat à la dernière présidentielle. Malheureusement le Maire de Nice était comme Jean-Baptiste "clamans in deserto" (le désert, en l’occurrence étant son propre parti). Là où Emmanuel Macron avait un "trou de souris" idéal c’est juste après sa réélection comme Président de la République avec une droite pesant moins de 5 % du corps électoral.

À ce moment-là, il aurait pu proposer à une partie des républicains de créer une coalition gouvernementale à la condition de nommer à Matignon une personnalité LR-compatible, comme Éric Woerth. Le problème, c’est que fort de sa réélection triomphale le Chef de l’État n’imaginait pas un instant qu’il n’aurait pas une majorité absolue à l’Assemblée nationale. Et après les législatives il était devenu trop difficile de négocier. Surtout en nommant Olivier Véran aux relations avec le parlement. C’est la raison pour laquelle ce dernier a laissé sa place au centriste Franck Riester.

 

Déception sur le bouclier énergétique pour les entreprises

 

En dehors de cette "main tendue", l’émission télévisée de mercredi dernier qui a fait un faible score d’audience (4 millions de téléspectateurs au lieu de 5,3 millions deux semaines plus tôt) a été l’occasion pour le Chef de l’État de revenir sur la réforme des retraites qu’il compte toujours mettre en œuvre dans le délai imparti, selon des modalités qui sont loin d’être définies. Et il a insisté sur le nécessaire partage de la valeur ajoutée, en incitant les entreprises à mener les négociations salariales nécessaires.

En revanche sur le plan énergétique, les entreprises qui espéraient une réponse au plan allemand de 200 milliards d’euros mis en place pour les protéger des hausses de tarifs ont été déçues. Faute d’argent dans les caisses, le gouvernement n’a pu que construire des rustines pour les petites et moyennes entreprises et d’autres réponses pour les plus importantes. Au total le gouvernement met sur la table 10 milliards d’euros, soit 5 % de ce que fait son homologue allemand. Ce qui va se traduire par des conséquences terribles sur le tissu industriel français, même si notre industrie compte deux fois moins dans la richesse nationale que son homologue allemande.

 

Nouvelle hausse de taux sans surprise

 

La Banque centrale européenne a relevé une nouvelle fois ses taux d'intérêt jeudi et elle a modifié les modalités des prêts très avantageux accordés aux banques, amplifiant la normalisation de sa politique monétaire, qui devrait se poursuivre dans les mois à venir pour combattre l'inflation. Le taux de sa facilité de dépôt, relevé de trois quarts de point de pourcentage, est ainsi porté à 1,50 %, son plus haut niveau depuis 2009, et sa hausse atteint 200 points de base depuis juillet. Le taux de refinancement est quant à lui relevé à 2,0 % et le taux de sa facilité de prêt marginal à 2,25 %.

Lors d'une conférence de presse, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, a déclaré que si la guerre en Ukraine et d'autres facteurs exposaient l'économie de la zone euro à un risque de dégradation de la conjoncture, les risques inflationnistes, eux, restaient orientés à la hausse. Les marchés estiment que le rythme de la hausse des taux pourrait désormais ralentir puisque le taux de dépôt est attendu à 2 % en décembre et que son pic pourrait avoisiner 3 % courant 2023.

 

Un match Macron versus la BCE

 

Interrogée sur l'inquiétude exprimée par des dirigeants politiques européens quant au risque de voir le resserrement de la politique monétaire précipiter la zone euro dans la récession, Christine Lagarde a répondu que la BCE devrait privilégier le respect de son mandat et elle a appelé les gouvernements à calibrer leur soutien aux ménages de manière à ne pas ajouter aux risques inflationnistes.

Il s’agissait là d’une réponse aux propos tenus par Emmanuel Macron à la mi-octobre. Le Chef de l’État avait estimé que l'économie européenne n'était pas en surchauffe soulignant ainsi les limites d'une politique monétaire consistant à augmenter les taux directeurs pour contenir l'inflation. Dans une interview accordée aux Échos il avait expliqué être inquiet de voir beaucoup d'experts et certains acteurs de la politique monétaire européenne affirmer qu'il faudrait briser la demande européenne pour mieux contenir l'inflation. Avant de rappeler que la forte inflation européenne est importée de l'extérieur.

 

La consommation des ménages s’arrête

 

La croissance de l'économie française a ralenti au troisième trimestre après son rebond du printemps, pour s'établir à 0,2 %, un niveau conforme aux attentes, selon les premiers résultats publiés vendredi par l'Insee. L'acquis de croissance pour 2022, à savoir l'évolution du produit intérieur brut si la croissance du dernier trimestre était nulle comme anticipé par la Banque de France, se situe à 2,5 % au 30 septembre, légèrement en deçà de la prévision d'une croissance de 2,7 % sur l'ensemble de l'année retenue par le gouvernement dans les textes budgétaires en cours d'examen au Parlement.

Les économistes interrogés par Reuters anticipaient en moyenne une croissance de 0,2 % pour le troisième trimestre, comme l'Insee dans sa dernière prévision, publiée au début du mois. La Banque de France tablait de son côté sur une croissance de 0,25 % pour la période juillet-septembre. La demande intérieure finale reste le principal moteur de la croissance française, avec une contribution positive au PIB du troisième trimestre, de 0,4 point. Mais les dépenses de consommation des ménages - moteur traditionnel de la croissance française - ont marqué le pas (0 % après +0,3 % au trimestre précédent). Réagissant à ces chiffres François Villeroy de Galhau a indiqué que la Banque de France n'a aucune raison de changer sa fourchette de prévision de croissance pour la France. Selon ses dernières estimations, le PIB de la France en 2023 pourrait osciller entre une hausse de 0,8 % et un repli de 0,5 %. Alors que le gouvernement table sur une hausse de 1 %.

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