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éditorial / Yves de Kerdrel

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Yves de Kerdrel

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Et si l’été était meurtrier ?
par Yves de Kerdrel

L’inflation poursuit ses ravages. La tension augmente en Ukraine où la Russie cherche à aller plus loin que le Donbass. Le gouvernement tremble lors du vote de chaque projet de loi, tant les majorités sont fluctuantes. Et les excellents résultats semestriels des groupes français risquent de « choquer » l’opinion publique. Tout cela, c’est sans compter un mauvais signal en provenance de Chine, une secousse sur les marchés américains ou un cygne noir comme au mois d’août 2007.

24/07/2022 - 06:30 Lecture 12 mn.

 

Pour ce dernier éditorial avant la traditionnelle pause aoûtienne, commençons par regarder ce qu’il y a de positif dans l’actualité économique et politique. Primo, le gouvernement est parvenu à faire voter à l’Assemblée nationale, en première lecture, sa loi sur le pouvoir d’achat, qui va désormais être examinée par les sénateurs. Les députés attaquent maintenant les mesures complémentaires comprises dans la Loi de Finances rectificative, mais qui sont moins clivantes. Bruno Le Maire aura donc réussi une très bonne opération politique, avec le soutien – enfin responsable - des députés Les républicains.

L’agitation de la France Insoumise n’est restée que du vulgaire chahut. Comme le fait d’avoir tenté nuitamment de rétablir l’impôt sur la fortune en Commission des Finances à deux voix près… Et du côté des socialistes, Valérie Rabault - qui avait refusé de voter la motion de censure déposée par les insoumis il y a deux semaines - continue d’être une interlocutrice sérieuse pour les membres du gouvernement, notamment à Bercy et Matignon. Pour l’heure, le grand désordre annoncé n’a donc pas lieu et ceux qui doivent prendre leurs responsabilités les prennent.

 

Une loi travail très attendue

 

Secundo, décidé à aller de l’avant, l’Élysée surveille de près la préparation de la loi travail qui devrait être le premier texte soumis à l’examen des parlementaires après leurs vacances. Ce texte qui va être élaboré en concertation avec les partenaires sociaux, aura trait à la fois à l’assurance-chômage, à la formation des seniors, à la réforme du RSA et celle du lycée professionnel.

Le but de ce texte, c’est de permettre au pays d’atteindre un taux de chômage de 5 % à la fin du quinquennat (contre 7 % actuellement) et de faire en sorte que les entreprises n’aient plus de problème de recrutement. Car comme le répète Geoffroy Roux de Bézieux, "les seules entreprises qui ne rencontrent pas de difficulté dans ce domaine sont celles qui ne recrutent pas". Ce texte suscitera certainement le tollé de la "Nupes" lors de la rentrée parlementaire. Mais comme les mesures qu’il contiendra correspondent, grosso modo, à ce que réclame la droite, Emmanuel Macron ne devrait pas avoir d’inquiétude pour le faire voter.

 

Le spectre de la récession s’éloigne

 

Tertio, pour l’heure la récession, que les marchés avaient commencé à anticiper il y a quelques semaines, ne semble pas être d’actualité s’agissant au moins de l’économie française. Même l’OFCE qui a livré il y a quelques jours une note pas très optimiste table sur une croissance de 2,4 % cette année dans l’hexagone avant une progression plus modeste du PIB en 2023 (1 %) suivie par trois années sur un rythme d’environ 1,9 %.

Le très keynésien observatoire économique souligne que cette bonne tenue de l’activité économique va être due en partie aux mesures prises pour limiter les effets de l’inflation. Mesures coûteuses en termes de finances publiques. Puisque le déficit budgétaire devrait être cette année bien plus élevé que prévu, à 5,5 % du PIB. Il reste que la confection de la loi de finances, qui a commencé, va être complexe à mener, tant sont grandes les incertitudes mondiales sur les parités monétaires, le prix du baril de pétrole et des autres énergies, et l’impact de la guerre en Ukraine sur notre principal partenaire économique, l’Allemagne. Et ce n’est pas le très synthétique programme de stabilité transmis à Bruxelles il y a quelques jours qui peut servir de guide, tant il est peu crédible, faisant fi notamment de la hausse des charges financières liées à la dette.

 

Vladimir Poutine étend ses objectifs au-delà du Donbass

 

Là où l’été peut réserver de mauvaises surprises, c’est d’abord en matière internationale avec le conflit déclenché par la Russie en Ukraine, il y a cinq mois aujourd’hui. Les services de renseignement français observent une avancée désormais beaucoup plus rapide des forces Russes qui pilonnent avec beaucoup plus d’intensité la résistance ukrainienne. Il semble acquis pour nos experts militaires que la totalité du Donbass devrait être aux mains des Russes aux cours des toutes prochaines semaines. Moscou a enregistré des gains ces dernières semaines dans le Donbass, en faisant notamment sauter le double verrou de Severodonetsk et Lyssytchansk, deux villes de la région de Lougansk, ce qui lui a dégagé la voie pour tenter d'avancer vers les villes de Kramatorsk et de Sloviansk, plus à l'ouest dans la région de Donetsk.

De fait Vladimir Poutine a étendu, il y a quelques jours, ses objectifs à d'autres territoires que ceux de l'est de l'Ukraine et le bassin du Donbass. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a affirmé que les objectifs militaires de la Russie en Ukraine ne se limitaient plus uniquement à l'est du pays, mais concernaient également d'autres territoires et pourraient encore s'étendre. Il a justifié ce changement par une géographie différente par rapport à la situation sur le terrain à la fin mars. De surcroît, Sergueï Lavrov a prévenu que si l'Occident continuait de fournir à l'Ukraine des armes capables de frapper à longue distance, les objectifs géographiques de la Russie évolueraient encore.

 

Fébrilité à Kiev et climat d’épuration

 

À Kiev la situation devient nettement plus fébrile. Et le Président Volodymyr Zelensky semble plus préoccupé de "faire la chasse aux traîtres" et de procéder à une vaste épuration dans l’appareil judiciaire, policier mais aussi militaire. Ce qui n’est pas de très bon augure au moment où les Russes marquent des points sur le front. Par ailleurs ces derniers ont fait savoir à Kiev que pour le moment aucun pourparler de manière à arriver à un cessez-le-feu n’était envisageable.

Selon nos services de renseignement, l’attitude de Vladimir Poutine, qui a radicalement changé il y a un mois avec la révocation de l’ancien chef d’état-major des armées, pourrait signifier qu’il souhaite mettre un terme à ce conflit le plus vite possible. Ce qui ne serait pas une bonne nouvelle pour Kiev. Mais cela permettrait d’éviter un embrasement de la région. Emmanuel Macron qui part cette semaine au Cameroun et au Bénin devrait évoquer la situation internationale avec ces deux pays et surtout parler avec eux des dangers que représente la force Wagner en Afrique.

 

La peur du black-out énergétique cet hiver

 

Le corollaire de ce conflit, c’est la crise énergétique qui frappe toute la planète depuis le printemps, mais surtout l’Europe. Après avoir longtemps nié le risque de "black-out" l’hiver prochain, le gouvernement s’est résolu à évoquer la nécessité d’économiser l’énergie. Dans le même temps, le directeur exécutif chargé du pôle clients d’EDF, Marc Benayoun, a exclu, lors d’une audition devant la Commission des Affaires Économiques du Sénat, la possibilité d’une pénurie électrique en fin d’année. "Même si on est dans une situation très difficile, a-t-il expliqué, il y a de fortes chances que nous passions l’hiver sans délestage". Pourtant, plusieurs grands groupes industriels auraient déjà été contactés par l’électricien afin d’organiser des coupures de courant quotidiennes, dès le début de l’automne.

La problématique énergétique sera au cœur de la rentrée économique. D’abord parce que la fin des boucliers tarifaires dans quelques mois risque d’avoir un effet dramatique sur le pouvoir d’achat des ménages. Ensuite parce que les dérèglements climatiques que nous avons pu observer ces derniers jours laissent certains experts craindre des périodes de froid extrême auxquelles notre dispositif énergétique n’est pas prêt, ni en France, ni dans le reste de l’Europe. Enfin parce que cette obligation de se priver du gaz russe va conduire à des comportements contraires aux exigences écologiques, comme la remise en fonction d’une centrale à charbon, ou l’utilisation massive des feux de cheminée.

 

Y aura-t-il un cygne noir au mois d’août ?

 

Comme le 15 août 1971, un cygne noir pourrait venir de l’Ouest, plutôt que de l’Est. Wall Street a clôturé fin juin son pire premier semestre depuis… 1970. L'indice S&P 500 affiche près de 20 % de baisse depuis le début de l’année. Le Nasdaq a chuté de près de 30 %. Quant au Dow Jones il est en recul de 13 %. Bien sûr, cette crise fait suite à une performance record en 2021, et tous les principaux indices restent au-dessus de leurs niveaux d'avant le début de la pandémie en 2020.

Malgré tout plus de 8 000 milliards de dollars de richesse ont été anéantis depuis le début de l’année. Tout laisse penser que l'action de la Fed, qui a fortement relevé ses taux, ralentisse trop l'économie, déclenchant une récession et une vague de licenciements. Une récente enquête Bankrate auprès de 17 économistes a estimé les chances d'une récession au cours des 18 prochains mois à 50-50. Et puis nous assistons à un vrai krach des cryptomonnaies. Le bitcoin a chuté de plus de 55 % depuis le 1er avril. Sur les 33 dernières années, c'est au mois d'août que les marchés ont connu leur plus mauvaise performance mensuelle de l'année. Mais comme je ne souhaite pas jeter la moindre ombre sur vos vacances je vous laisserai méditer cette phrase de Mark Twain : "octobre est l'un des mois les plus dangereux pour jouer en Bourse, les autres mois risqués étant juillet, janvier, septembre, avril, novembre, mai, mars, juin, décembre, août et février". Très bon repos.

 

P.-S. Cet éditorial dominical va prendre quelques jours de vacances. Vous le retrouverez le dimanche 28 août prochain. En revanche WanSquare continuera à vous décrypter l’essentiel de l’actualité économique et financière. Merci de votre fidélité.

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