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Chroniques / Jean-Baptiste Noé

Chroniques
Jean-Baptiste Noé

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La France dans le trio de tête du marché étudiant
par Jean-Baptiste Noé

Au jeu de la mobilité internationale des étudiants, la France est bien cotée. Elle attire des étudiants venus du monde entier, preuve de la reconnaissance de l’excellence de son système universitaire et des capacités d’attrait du pays. Une excellence qui reste à convertir en influence.

16/07/2022 - 08:30 Lecture 7 mn.

 

Ce sont plus de 365 000 étudiants étrangers qui sont présents en France, dans l’ensemble des filières et des niveaux proposés par les établissements d’enseignement supérieur. Soit une hausse de 70 % en 20 ans. La multiplication des conventions et des partenariats entre les établissements français et étrangers, mais aussi la facilité accrue de la mobilité internationale fait que ce qui était autrefois extraordinaire est devenu ordinaire. Le dernier rapport de Campus France (juin 2022) fournit un grand nombre d’informations sur la mobilité étudiante dans le monde.

Ce sont ainsi 13 % des étudiants en France qui sont étrangers, venant de trois zones principales : Afrique du Nord / Moyen-Orient, Afrique subsaharienne, Europe. Les trois pays qui envoient le plus d’étudiants étrangers sont le Maroc (44 933), l’Algérie (39 333) et la Chine (27 950). Les États-Unis se classent en 25e position avec 4 126 Américains étudiants en France. La langue, la proximité géographique, les liens historiques contribuent à expliquer cette répartition.

Si la France attire pour les licences et les masters, elle est aussi bien classée pour les doctorats puisqu’elle se positionne en 3e place, derrière le Royaume-Uni et les États-Unis. Ces derniers écrasent la concurrence puisque leur nombre de doctorants étrangers est quasiment égal au total des 9 pays suivants.

 

Différences nationales

 

Sans surprise, c’est l’Île-de-France qui accueille le plus d’étudiants étrangers (125 071), devant Auvergne-Rhône-Alpes (45 055) et Occitanie (33 574). La région capitale est celle qui concentre le plus d’établissements supérieurs, d’universités et d’écoles, notamment avec le plateau de Saclay qui se positionne comme l’un des grands centres universitaires du monde.

La répartition par type d’établissements dévoile une typologie intéressante. Si les universités concentrent le plus d’étudiants étrangers (66 %), devant les écoles de commerce et d’ingénieurs, l’origine des étrangers n’est pas du tout la même en fonction des établissements. Ceux qui sont inscrits à l’université proviennent essentiellement d’Afrique du Nord et d’Afrique noire alors que les Asiatiques ne représentent que 10 % du total.

Mais, en école de commerce comme en école d’ingénieurs, les étudiants asiatiques représentent plus du tiers des étudiants étrangers et les étudiants d’Afrique noire à peine 15 %. Chaque établissement capte son marché étudiant sur des zones géographiques précises et déterminées. L’origine des docteurs est elle aussi différente de l’origine de l’ensemble des étudiants puisque le pays le plus représenté est la Chine, suivi du Liban, de l’Italie et de l’Algérie.

 

Marché étudiant

 

Cette attractivité estudiantine participe-t-elle réellement de la puissance française ? Si l’étudiant étranger qui passe un an ou plus en France s’imbibe de la culture de son pays d’accueil et de son histoire, est-il certain qu’il devienne ensuite un relais d’influence et un vecteur de puissance une fois retournés chez lui, contribuant à valoriser "la marque France" dans son pays d’origine ? La multiplication des cours en anglais dans certaines écoles de commerce et d’ingénieur fait que les étudiants étrangers n’ont plus de réelle nécessité d’apprendre le français. Un alignement sur les standards anglo-saxons qui risquent à terme de pénaliser ces établissements : si les cours sont dispensés en anglais, autant se rendre directement dans un pays anglophone.

Lorsqu’il était Premier ministre (2018), Édouard Philippe avait lancé un pavé dans la mare en souhaitant faire payer plus cher les frais de scolarité aux étudiants étrangers, estimant que leur formation n’avait pas à être payée par les contribuables français. Mais pour certains établissements moins cotés, qui peinent à attirer les étudiants français, la manne étrangère est une nécessité pour ne pas courir le risque d’une fermeture. L’Université avait donc réagi par la négative à la proposition ministérielle.

Après plusieurs recours en justice, le Conseil d’État a fini par rendre raison au gouvernement en juillet 2020. Les Universités peuvent toutefois accorder des bourses aux étudiants étrangers pour modérer leurs frais d’inscription (2 770 euros en licence contre 170 euros pour un Français et 3 770 euros en master au lieu de 243 euros). Le rapport de Campus France montre que cette augmentation des frais de scolarité n’a pas engendré de baisse d’inscription.

 

Forces et faiblesses françaises

 

Attirer des étudiants étrangers est le symbole d’une puissance culturelle et éducative, voir partir les siens pour se former ailleurs est l’indicateur, parfois, d’une faiblesse. La Belgique a longtemps été le pays numéro un dans l’accueil d’étudiants français. Il y a certes la proximité géographique et la facilité linguistique, mais compte tenu des études choisies, médecine, santé, psychologie, pharmacie, cela révélait surtout les failles du système français. Consciente de former des professionnels avec ses deniers, mais pour les autres, la Belgique a mis des limites à l’accueil des Français. Si bien que c’est désormais le Canada qui occupe la première place, devant la Belgique et le Royaume-Uni.

Des étudiants qui apprennent ailleurs, mais qui ne reviennent pas toujours, signant une perte nette pour le pays qui n’a pas su les retenir. Là demeurent un non-dit et une ambiguïté dans le fait d’envoyer sa jeunesse se former ailleurs : c’est une chose positive si c’est pour compléter la formation et acquérir de nouveaux savoirs ; c’est en revanche un signal négatif si c’est pour pallier le manque d’infrastructures éducatives dans le pays et si les étudiants formés ne reviennent pas mettre leurs compétences et leurs talents au service de leur pays une fois leurs études accomplies. Il ne faudrait pas que la coopération bienvenue des établissements supérieurs se transforme en pillage des cerveaux et des compétences.

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