Feuilleton de l'été / Roulet / cae
Feuilleton de l'été
Roulet / cae
Série d’été - ces jeunes leaders qui construisent la France de demain / Alexandra Roulet, professeur d'économie à l’INSEAD
Des bancs d’Henri IV aux salles de cours de Fontainebleau le trajet n’est pas des plus longs, pourtant Alexandra Roulet a parcouru un chemin loin d’être direct depuis son entrée en classe préparatoire aux grandes écoles. C’est désormais une économiste estimée par ses pairs et sollicitée par les plus grandes instances pour mettre à profit une expertise reconnue notamment sur le marché du travail.

Devenir prophète en son propre pays, voilà ce que semble avoir réussi Alexandra Roulet à l’issue d’un voyage initiatique aux États-Unis. Un départ loin de l’Hexagone motivé par un goût de l’économie acquis à Henri IV puis à l’école normale supérieure. C’est dans cette classe préparatoire aux grandes écoles la plus pluridisciplinaire de toutes qu’elle est initiée à sa discipline.
C’est plus précisément à l’occasion des cours de sciences économiques et sociales dispensés par Pascal Combemale en prépa à Henri IV et par Daniel Cohen à mon entrée à Ulm que j’ai découvert l’économie. Une plongée dans l’inconnue pour celle "où parmi ma famille, personne n’est économiste universitaire".
Atlantique
Elle va très vite plonger dans cet univers et nous confie "avoir eu cette chance de partir une année en échange à Harvard, j’y ai enseigné le français durant 1 an mais j’ai également saisi l’opportunité d’assister à des cours d’économies de Philippe Aghion". Une rencontre qui va fortement l’influencer à l’heure de poser un choix auquel ont dû faire face tant d’autres normaliens ; "j’étais encore en plein arbitrage entre le choix d’une thèse et celui d’un parcours dans l’administration française". C’est finalement le premier qu’elle retiendra et donc d’embrasser une carrière universitaire. Le début également d’une longue relation professionnelle avec Philippe Aghion, un personnage clé dans son parcours de par sa stature de théoricien.
Elle débutera dans la recherche de l’autre côté de l’Atlantique à Harvard, plus d’une décennie après elle se remémore qu' "il m’a semblé alors très naturel de partir faire ma thèse aux États-Unis, j’y ai passé 6 très belles années. Le système américain impliquait de refaire deux premières années de master très spécialisées ". Un investissement personnel conséquent durant lequel " elle vit avec le financement qui nous est accordé".
Terre natale
Durant cet exil nord-américain, elle ne perd pas pour autant tout contact avec la métropole et elle nous " confie avoir travaillé en grande partie sur des données françaises durant ma thèse et notamment sur celles de Pôle emploi ". Après avoir soutenu avec brio son PhD, elle décide de pas prolonger son séjour et ce "essentiellement pour des raisons personnelles, je voulais revenir en France pour y construire ma famille". Elle revient d’Amérique avec plusieurs sujets de prédilection parmi lequel les inégalités salariales entre les femmes et les hommes, les effets de l’assurance chômage ou encore les effets du chômage sur la santé.
Alors qu’elle commence à se préparer à rentrer en France, voilà qu’elle se trouve sollicitée en 2017 par l’INSEAD pour y occuper un poste de professeur assistante. Elle estime aujourd’hui "qu’il s’agissait d’une époque où l’école cherchait à renforcer son angle social et notamment via des travaux de recherche dédiés " et va "rapidement être conquise par une école très tournée vers l’international et pas uniquement vers les États-Unis, nous avons un gros tropisme vers l’Asie et le Moyen-Orient ".
Parenthèse
Un retour dans l’Hexagone où elle ne tarde pas à se faire remarquer puisqu’elle est sollicitée entre juin 2022 et septembre 2023, pour conseiller Emmanuel Macron, Président de la République, et Elisabeth Borne, alors Première Ministre, sur sa spécialité qu’est le marché du Travail. Cependant elle a également été amenée à travailler sur la macro-économie et l’ensemble des politiques publiques, ce qui lui fait dire que "pour quelqu’un qui était très focalisé sur les aspects micro, ça a eu un impact sur ma façon d’appréhender ma recherche et de la mettre davantage en lien avec la macroéconomie".
Elle a alors bénéficié d’un congé d’un an pour accomplir cette mission, "où elle a atterri un peu par hasard recommandée par l’ancien occupant du poste, à une époque où les questions de marché du travail étaient au cœur du début de quinquennat". Elle ne manque pas de s’appuyer sur les travaux de diverses institutions comme le Conseil d’analyse économique (CAE), une institution qu’elle vient tout juste de rejoindre. Une période stimulante proche du pouvoir qu’elle ne souhaite pourtant pas prolonger, désirant mettre l’accent "sur ma recherche afin de devenir professeur de plein exercice".
Quête
Un objectif qui dirige ses efforts du moment puisqu’elle nous confie "avoir moins de temps à consacrer à l’écriture, un exercice que j’affectionne pourtant tout particulièrement puisqu’il permet de vulgariser auprès du grand public". Elle avait notamment travaillé à la publication d’un ouvrage avec Phillipe Aghion il y a quelques années.
Depuis son retour en France elle travaille également à trouver son équilibre de vie et avance que " les femmes de ma génération sont beaucoup plus privilégiées de ce point de vue là qu’il y a plusieurs décennies, même s’il existe toujours un biais dans de nombreuses professions ". Elle nous confie pourtant que " si la recherche nous donne une plus grande maîtrise de notre emploi du temps, cela reste un univers extrêmement compétitif et dans lequel on voyage pas mal. ".
Futur
Installée à Paris depuis quelques années, elle se voit encore continuer à faire les allers-retours pour enseigner à Fontainebleau de longues années et nous a évoquées plusieurs de ces sujets de recherche du moment. L’économiste planche "sur des sujets aussi différents que le bilan de l’adoption des 35 heures en France que l’impact des rachats dans le private Equity sur la structure salariale des firmes."
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