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Chroniques / Jean-Baptiste Noé

Chroniques
Jean-Baptiste Noé

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L'Espagne au bord de la crise de nerfs
par Jean-Baptiste Noé

Les élections législatives de juillet 2023 n’ayant pas donné de majorité, aucun Premier ministre n’est en mesure d’être élu par le Parlement. Une situation de blocage qui devrait aboutir à de nouvelles législatives en novembre. 

30/09/2023 - 08:30 Lecture 5 mn.

En Espagne, c’est qui perd gagne. Le Parti populaire a certes gagné les législatives de juillet, mais sans parvenir à la majorité absolue, même avec ses alliés de Vox. Le chef du PP, Alberto Nunez Feijoo, a ainsi tenté de se faire élire Premier ministre mercredi et vendredi, sans succès. Il lui a manqué 4 voix.

Un échec qui ouvre la possibilité de l’improbable : le maintien au pouvoir de Pedro Sanchez, qui a pourtant perdu les législatives de juillet avec le Parti socialiste. Mais en ayant malgré tout gagné quelques sièges et en s’appuyant sur les voix des indépendantistes catalans, il peut espérer rester à son poste. En attendant, il reste chef du gouvernement par intérim.

 

Les indépendantistes catalans en faiseurs de rois

 

Tout repose sur ce groupe de 7 députés élus en juillet dernier. Ils veulent l’indépendance de la Catalogne et l’amnistie pour ceux qui avaient participé à l’organisation du référendum sur l’indépendance en 2017. Cette question fracture l’Espagne mais aussi le PSOE. Le PP s’oppose catégoriquement à toute amnistie et a bâti sa campagne sur l’unité de l’Espagne. Sanchez y est prêt, afin de pouvoir se maintenir. Une position qui divise son parti, jusqu’à présent soucieux de la légalité et du respect de la constitution, donc opposé à soutenir ceux qui ont bravé l’interdiction juridique. Si le PSOE franchissait ce pas, ce serait une rupture majeure dans l’histoire politique de l’Espagne. Mais de plus en plus de voix, y compris dans son camp, reprochent à Sanchez d’être prêt à sacrifier l’unité de l’Espagne pour se maintenir au pouvoir.

Une unité qui a été brisée la semaine dernière par la reconnaissance de l’usage de certaines langues locales dans l’hémicycle. Le basque, le catalan et le galicien sont désormais des langues en usage dans les débats politiques, au même titre que le castillan, alors même que les députés sont tous locuteurs de cette langue. C’est désormais équipés de casque audio et se rattachant aux traducteurs que les députés peuvent suivre les débats. Ceux du PP ont refusé de les porter et les ont rendus aux services techniques.

L’image de députés incapables de se parler et de se comprendre, devant avoir recours à un traducteur, est le symbole de cette Espagne qui ne s’écoute plus, ne se parle plus et s’arque boute sur ses revendications particulières. La droite et une partie de la gauche ont accusé Sanchez d’avoir cédé à l’opportunisme politique en autorisant cette mesure, au détriment de l’unité. Si même au sein de l’hémicycle les Espagnols ne se comprennent plus, alors le risque de division est grand au sein de la société civile.

L’intransigeance de la Catalogne commence aussi à peser pour beaucoup d’Espagnols, qui se détachent des comportements extrêmes qui brisent l’unité sociale du pays. Si l’Espagne est en quête d’unité, elle doit affronter un chemin semé de fractures.

 

Fractures mémorielles

 

Avec le retour de la démocratie à la fin des années 1970, il y avait consensus dans la société civile et politique pour jeter un voile pudique sur la guerre civile et les années Franco. Une façon nécessaire d’oublier les divisions passées, de tourner la page et de bâtir une nouvelle Espagne. Un consensus que Pedro Sanchez a cassé en ravivant les fractures mémorielles et en se servant des symboles de la guerre civile pour faire l’union autour de lui comme lorsqu’il a décidé en 2019 d’exhumer le cercueil de Franco de la vallée de los Caidos pour le déposer dans un cimetière madrilène. Cela raviva des oppositions idéologiques et culturelles qui ont fragilisé le tissu social espagnol.

L’Espagne a pourtant de nombreux atouts. Madrid est une capitale de plus en plus dynamique, ses relations avec l’Amérique latine s’étoffent, avec ses séries et son cinéma elle se fait connaître bien au-delà de ses frontières. Mais les blocages politiques sont de plus en plus un danger pour l’unité morale du pays.

Face à l’impossibilité d’élire un chef du gouvernement, le scénario le plus probable est que de nouvelles élections soient organisées en fin d’année. Les Espagnols devront alors trancher : maintenir l’état d’esprit dissolvant ou donner un pouvoir assumé à un parti de gouvernement.

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