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Chroniques / Jean-Baptiste Noé

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Jean-Baptiste Noé

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Rugby : un sport pour une certaine histoire du monde
par Jean-Baptiste Noé

Au-delà des aspects sportifs, la géographie des sports dit beaucoup des échanges culturels et des rapports de force politiques. La coupe du monde de rugby est à cet égard une photographie de l’histoire du dernier siècle. 

09/09/2023 - 08:30 Lecture 5 mn.

 

Le rugby est un sport d’Anglo-saxons dans lequel quelques Latins se sont immiscés. La géographie de ce sport est en effet celle de l’ancien Empire britannique : Nouvelle-Zélande, Australie, Afrique du Sud, Namibie. Un sport pratiqué par les Anglais et les élites universitaires, ce qui explique pourquoi les pays de l’ancien Empire des Indes ne l’ont pas développé, ayant opté pour le cricket, notamment en Inde et au Pakistan. Via la Nouvelle-Zélande et le Commonwealth, le rugby s’est diffusé dans le monde polynésien, d’où les équipes actuelles des Tonga et des Fidji, dont un grand nombre de joueurs évoluent en France.

L’anglomanie a valu à ce sport de se diffuser aussi en Amérique latine, notamment en Argentine et en Uruguay, mais ne s’est jamais réellement implantée au Brésil et dans la péninsule hispanique. Quant aux États-Unis, même s’ils disposent d’une équipe nationale, ce n’y est absolument pas un sport majeur. Cette coupe du monde n’a donc rien de mondial : elle concerne une quinzaine de pays qui disposent d’équipes de haut niveau. Une géographie qui n’a pas évolué depuis les années 1960, si ce n’est l’arrivée du Japon et de l’Italie, et le renforcement des Tonga et des Fidji. Contrairement au football, nous sommes très loin d’un sport planétaire. Même à l’échelle française, le rugby est loin d’être un sport national.

 

Du Havre au Sud-Ouest

 

En France, c’est l’anglomanie qui a importé le rugby et l’a développé. Le premier club est apparu au Havre (1894), puis suivirent les clubs parisiens du Racing et du Stade français. Avant de connaître une curieuse transmutation dans le Sud-Ouest, d’abord à Bordeaux puis à Toulouse, via les étudiants. Une répartition sociale et géographique se mit en place : le football dans les villes ouvrières, le rugby, dans les clubs universitaires. Par une diffusion continue, ce sport parisien et universitaire s’est implanté dans les campagnes et le sud rouge : Lourdes est l’une des grandes équipes des années 1940-1950, avant d’être détrônée par le Grand Béziers dans les années 1970-1980.

Si les clubs du Sud-Ouest et du Sud-Est sont majoritaires en Top 14 et deuxième division, l’émergence du rugby atlantique (La Rochelle, double champion d’Europe) et breton (Vannes, où se tient la finale de la coupe du monde militaire) témoigne d’une diffusion du sport sur une partie plus large du territoire français. Même s’il manque encore l’Est et le Nord. Depuis la coupe du monde 2007, où plusieurs matchs s’étaient déroulés en France, la FFR tente d’étendre le territoire de l’Ovalie. S’il y a une extension manifeste au-delà de la Loire, la géographie et la culture sudiste de ce sport demeurent prédominantes.

 

Un levier de puissance ?

 

Comme tous les grands événements sportifs, son organisation est l’occasion d’une exposition médiatique du pays hôte. C’est la première fois que la France accueille en propre cette compétition, dont elle espère démontrer sa capacité à recevoir des grands événements. Après les troubles au Stade de France lors de la finale de la Ligue des Champions, beaucoup de regards seront tournés vers Paris, notamment pour jauger de sa capacité à organiser les futurs Jeux Olympiques.

On considère souvent l’organisation de grands événements sportifs comme un facteur de puissance. Cela reste à démontrer. En dehors des passionnés, qui se souvient des pays organisateurs des dernières coupes du monde de football et de rugby ? Idem pour les Jeux olympiques. La démesure financière des infrastructures, les surcoûts liés à la sécurité, grèvent de plus en plus les budgets des villes et des pays hôtes, sans que les retombées positives ne soient réellement analysées. On veut trop souvent faire porter au sport un costume trop grand : le voilà chargé de favoriser la paix entre les nations ou de permettre la cohésion sociale des pays fracturés. Si une victoire finale procure des moments de joie chez les supporters, elle ne règle pas les problèmes du pays concerné. La récupération politique du sport n’a que rarement servi la politique et a toujours abîmé le sport. Coupe du monde de rugby ou jeux olympiques, la séparation du sport et de la politique est le meilleur service que l’on puisse rendre à l’un et à l’autre.

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