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Politique économique

Politique économique

exclusif Dix ans après, rêver à nouveau d’une France industrielle / Une tribune de Louis Gallois, Nicolas Dufourcq et Guillaume Bachelay

EXCLUSIF.

À l’occasion du dixième anniversaire de la création de Bpifrance, son concepteur, Louis Gallois, le rapporteur du texte de loi ayant permis son institution, Guillaume Bachelay et son directeur général, Nicolas Dufourcq expliquent que le défi est aujourd’hui de susciter dans le cœur de la jeunesse, une énergie positive, pour la reconstruction de notre souveraineté, par l’industrie.

02/03/2023 - 11:00
Louis Gallois, Guillaume Bachelay et Nicolas Dufourcq - crédits (Gilles ROLLE/REA - ©DENIS/REA - Thierry STEFANOPOULOS/REA)
Louis Gallois, Guillaume Bachelay et Nicolas Dufourcq - crédits (Gilles ROLLE/REA - ©DENIS/REA - Thierry STEFANOPOULOS/REA)

 

Dans notre monde que les grands récits ont déserté, à quoi vibrons-nous ensemble en France ? À la fierté dans le stade quand Mbappé se projette vers l’adversaire. Au dévouement des soignants, livreurs, caissiers en première ligne face à la pandémie. À l’esprit de sacrifice de nos armées engagées au Sahel, au Levant ou au sein de l’OTAN aux portes de l’UE, à notre peuple uni face au terrorisme. Exploits ou épreuves, joies ou douleurs, ces moments sont ceux du dépassement collectif. La France fait de grandes choses quand elle fait taire le poison des rivalités. Quand elle est d’accord avec elle-même.

Aujourd’hui il y a consensus sur le "produire en France". 10 après le vote de la loi créant Bpifrance, dont nous étions rapporteurs pour l’un, préfigurateur pour l’autre, 10 ans après le rapport sur la compétitivité de la France qui devait, sous l’impulsion du troisième d’entre nous, engendrer le tournant vers la politique de l’offre, le récit d’une réindustrialisation possible est devant nous, crédible. Le défi est aujourd’hui de susciter dans le cœur de la jeunesse, une énergie positive, propulsive, pour la reconstruction de notre souveraineté, par l’industrie. Il y a beaucoup à faire, puisqu’il faut traiter en même temps toutes les causes de l’affaissement de notre base productive depuis 30 ans. La mondialisation n’a pas été heureuse mais batailleuse. Elle s’est résumée à une très rude compétition pour localiser brevets, usines, sièges sociaux. L’intégration européenne, capable de rivaliser avec les puissances américaine et chinoise, aurait pu être un bouclier protecteur. Elle se priva d’y parvenir faute d’unité de vue énergétique, budgétaire, fiscale, commerciale. Tardives, les réorientations récentes sont bienvenues.

Quant à l’industrie française, son effondrement – plus marqué que dans tous les pays comparables – fut provoqué par le fantasme d’une France sans usines et accentué par des politiques macroéconomiques incompatibles avec le développement productif. Ainsi fut fragilisé le socle de la recherche, du financement pérenne de la protection sociale, d’un commerce extérieur dynamique, de l’aménagement solidaire du territoire. Plus grave : en se désindustrialisant, la France s’est privée de l’investissement humain et technologique requis par le futur, en même temps que de la fierté de l’invention qui inspire le monde, du produit fabriqué et utile, du métier accompli avec compétence et dévouement. Sans ces leviers, comment nous préparer à la prochaine épidémie, prendre notre part de la lutte contre le réchauffement climatique, faire la course en tête sur les nouveaux territoires de la métamorphose ?

 

La politique en faveur de la compétitivité de l’industrie doit être poursuivie

 

Pour prendre la mesure du réel et le transformer, il faut un idéal à la France, qui puise dans sa créativité industrielle. Songeons au secteur des mobilités, décisives pour la transition vers une économie et une société décarbonées. On l’a oublié mais c’est dans notre pays que furent jadis conçus les moteurs à combustion interne puis à explosion, la première voiture électrique, l’appareil volant précurseur de l’avion, le pneumatique à chambre à air. Cet esprit de conquête typique de l’ingénieur français n’est pas révolu. Une nouvelle génération de talents émerge sous nos yeux, dont les signataires de cette tribune n’auraient pas imaginé rêver il y a 10 ans.

Pour qu’ils puissent accomplir la réindustrialisation dans la durée, la politique engagée depuis une décennie en faveur de la compétitivité globale de l’industrie doit être poursuivie et complétée. L’amélioration des coûts de production et du travail, la baisse de la fiscalité pesant sur les entreprises, le financement accru – via Bpifrance et France 2030 – pour les PME et les ETI afin qu’elles grandissent et se projettent à l’international, ont apporté des résultats : plus d’emplois industriels, moins de délocalisations.

D’autres importantes décisions restent à venir : porter l’effort de recherche à 3 % du PIB, contre 2,2 % actuellement, pour la convertir en innovations industrielles ; investir massivement dans l’éducation et notamment les mathématiques qui ouvrent sur toutes les sciences dures, donc sur la technologie ; accélérer la digitalisation de notre industrie et réformer l’enseignement professionnel afin que les compétences acquises par les élèves correspondent à la réalité d’un bureau d’études ou d’un atelier ; réduire les délais administratifs pour l’implantation de fabs nativement décarbonées et la relocalisation d’usines dans des secteurs clés ; retrouver le sentier d’une électricité bon marché.

Au-delà de politiques publiques constantes et lisibles, des aventures exaltantes vont pouvoir être proposées aux Français : celles de l’industrie innovante, au service d’un patriotisme ouvert sur le monde et l’avenir. Là est l’idéal qui protégera et renforcera le capital de civilisation industrielle dont la France est héritière.

 

Nicolas Dufourcq dirige Bpifrance depuis fin 2012Louis Gallois est l’auteur du rapport sur la compétitivité de la France remis à la même époque au Président de la République. Guillaume Bachelay était député (PS) de Seine-Maritime et rapporteur général de la loi créant la Bpi en décembre 2012.

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