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Yves de Kerdrel

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L’Élysée entre tension et dépression
par Yves de Kerdrel

Le Chef de l’État a déjà pris conscience que les résultats du second tour des élections législatives ne lui seront pas favorables. Et que son début de second quinquennat va être marqué par l’arrivée en masse de l’extrême gauche à l’Assemblée. Si bien qu’à l’Élysée flotte depuis une semaine une atmosphère de « dépression » amplifiée par une dégradation des relations entre Emmanuel Macron et Alexis Köhler.

19/06/2022 - 06:30 Lecture 13 mn.

 

Ce soir à 20 heures nous saurons tous quelle sera la couleur de la prochaine Chambre des députés. Mais une chose est sûre, alors que jamais la France n’a eu un Président aussi libéral, favorable au monde de l’entreprise et soucieux de donner une nouvelle ambition à l’Europe, pour la première fois dans son histoire, l’Assemblée nationale va voir ses bancs de gauche occupés par au moins 150 personnalités élues sur un programme d’extrême gauche. Et parmi eux, on pourra compter une bonne douzaine de trotskistes historiques formés au sein de l’OCI ou du Parti Ouvrier International.

Bien sûr Jean-Luc Mélenchon ne pourra pas prétendre à devenir Premier Ministre, même s’il a encore répété, au cours de la semaine écoulée, qu’Emmanuel Macron sera contraint de l’installer à Matignon. Bien sûr, le Chef de l’État pourra faire des majorités de circonstances, notamment avec les élus Républicains, s’il s’agit de voter des réformes impérieuses comme celle des retraites. Bien sûr, les élus de la Nupes vont vite chercher à s’acheter un brevet de compétence et de responsabilité. Il n’empêche que dans le paysage européen ce "Bad-Godesberg à l’envers" va encore une fois donner de la France une image archaïque et rétive à tout progrès.

 

Dépression "post-partum"

 

Si nous en sommes arrivés là, c’est uniquement la faute d’Emmanuel Macron. Et le Président de la République est bien trop lucide pour ne pas occulter sa responsabilité. En attendant un mois pour donner un nouveau gouvernement, sans grande envergure, à la France ; en refusant de mener campagne ; en laissant tout le terrain de l’opinion et des médias à Jean-Luc Mélenchon ; en se rappelant au souvenir des électeurs seulement mardi dernier avant de monter dans son avion, le Chef de l’État a multiplié les erreurs.

À tel point que certains sont convaincus qu’il a perdu le goût du pouvoir. Comme s’il faisait une sorte de dépression "post-partum" après l’euphorie d’une réélection magistrale. Et cela alors que les bruits qui viennent de l’Élysée rapportent des échos de dissensions de plus en plus fortes entre le Chef de l’État et son Secrétaire Général de la Présidence, le fidèle Alexis Köhler. Emmanuel Macron aurait tenu devant certains de ses proches des propos très désabusés sur l’impossibilité de réformer le Pays, sur l’ingratitude des Français et sur la médiocrité du personnel politique.

 

Un rapport du COR très attendu

 

Pourtant Emmanuel Macron, plus qu’aucun autre de ses prédécesseurs, a fait en sorte de concentrer le maximum de pouvoirs que lui octroie la constitution. Et dans les prochains jours il va devoir compléter son gouvernement et remplacer les ministres battus, dont sans doute deux des meilleurs : Amélie de Montchalin et Clément Beaune. Car il ne laissera, bien sûr, pas ce soin à la Première Ministre, a fortiori à Elisabeth Borne qui fait preuve d’une étonnante vacuité depuis qu’elle a été nommée à ce poste.

Après ce remaniement viendra l’heure d’un séminaire gouvernemental, sans doute la semaine suivante, afin de tracer la feuille de route du début de mandat. D’ici là, il faut s’attendre à une journée de mercredi chargée avec le rapport annuel du Conseil d’Orientation des Retraites dont les estimations vont déterminer l’urgence de la réforme annoncée par Emmanuel Macron pendant sa campagne présidentielle. Le même jour il est probable qu’on en sache plus sur le CNR (Conseil National de la Refondation) cher au Chef de l’État.

 

Des précisions encore floues sur le CNR

 

Ce dernier a, semble-t-il, modifié son ambition initiale. Il n’est plus question aujourd’hui d’y intégrer des citoyens tirés au sort, fort heureusement, et l’effectif total de cet aréopage devrait être limité à une quarantaine de personnalités. Avec des représentants du patronat et des syndicats, mais aussi des élus, et des membres d’associations jouant un rôle national. Au sein de ce CNR seront ensuite formés des groupes ou ateliers thématiques d’une dizaine de membres afin de travailler plus rapidement et avec plus d’efficacité.

Les thèmes qui seront repris par le CNR ne sont pas des sujets réservés aux députés ou aux sénateurs. Il s’agit de faire un diagnostic partagé sur les grands blocages de notre société. Par exemple la crise du logement, le problème de l’ascenseur social, celui des inégalités dans les territoires ou encore le sujet de la petite enfance. Autant de sujets qui ont été laissés en jachère au cours des trente ou quarante dernières années et qui expliquent le "mal français" du moment. Mais tout cela peut encore changer. Pour preuve à l’heure où nous écrivons cet article, Matignon n’a été mis au courant d’absolument rien concernant ce CNR.

 

Nombreuses nominations en attente

 

Par ailleurs le Président de la République est attendu sur un certain nombre de nominations importantes. Qu’il s’agisse du président de l’Autorité des Marchés Financiers, dont le mandat n’est pas renouvelable. Ce qui obligera à un changement du Secrétaire général, en poste depuis dix ans, alors qu’il a les prérogatives d’un procureur (fonction qui ne peut pas être occupée plus de sept ans en France par la même personne). Qu’il s’agisse aussi du directeur de l’Agence des Participations de l’État.

Dans les entreprises publiques, la question des nominations échauffe les esprits. Notamment pour la Présidence d’Air France-KLM où l’on redoute l’arrivée de Florence Parly en remplacement d’Anne-Marie Couderc. Ou pour celle d’EDF, entreprise pour laquelle tant de sujets majeurs sont en suspens.

 

La Russie a coupé le robinet du gaz pour la France

 

Sur le plan international, l’évènement a été le déplacement conjoint d’Emmanuel Macron, Mario Draghi et Olaf Scholz à Kiev il y a quelques jours afin de réaffirmer le statut de candidat à l’entrée dans l’Union Européenne pour l’Ukraine. Une visite réalisée à quelques jours de la fin de la Présidence Française de l’Union Européenne et qui a permis au Chef de l’État d’annoncer la livraison de nouveaux canons Caesar aux soldats ukrainiens.

Ce geste n’a pas été vraiment du goût de Vladimir Poutine qui a annoncé en fin de semaine l’arrêt de la livraison du gaz russe à la France. Un sujet qui concerne directement Engie et GRTgaz. Officiellement on explique que tout cela avait été anticipé et que tout récemment le gaz russe ne représentait plus que 17 % de nos besoins. Mais tout cela montre que la désescalade est encore loin. Même si les Américains semblent avoir enfin décidé de jeter un peu moins d’huile sur ce feu-là.

 

La Fed a eu la main lourde

 

Au chapitre économique, il faut rappeler que la Réserve fédérale américaine a relevé mercredi son principal taux d'intérêt de trois quarts de point pour tenter de reprendre le contrôle de l'inflation et elle a annoncé s'attendre à un ralentissement de l'économie et à une remontée du chômage dans les mois à venir. Cette hausse de taux, la plus importante décidée par la banque centrale des États-Unis depuis 1994, intervient après la publication ces derniers jours de plusieurs indicateurs suggérant que la lutte contre l'inflation, devenue la priorité de la Fed comme de la Maison blanche, n'enregistre pour l'instant que de maigres progrès.

La hausse des prix à la consommation a notamment atteint 8,6 % sur un an en mai, son plus haut niveau depuis 1981, et un indice très suivi du moral des ménages est tombé à son plus bas niveau historique. Les membres du Federal Open Market Committee, le comité de politique monétaire de la Fed, sont donc arrivés à la conclusion qu'ils devaient accélérer le retour des taux d'intérêt à un niveau plus neutre, a expliqué le président de la Fed, Jerome Powell, lors d'une conférence de presse.

 

Forte inflation européenne…

 

La Fed a aussi revu à la baisse ses prévisions économiques, disant tabler désormais sur un ralentissement de la croissance à 1,7 % cette année et sur un taux de chômage de 3,7 % en fin d'année puis de 4,1 % d'ici 2024, soit un niveau supérieur à celui que la banque centrale considère comme correspondant au plein-emploi. Si aucun membre du FOMC ne prévoit une récession, leurs prévisions tendent vers une croissance faible en 2023 et vers une baisse des taux d'intérêt dès 2024.

De ce côté-ci de l’Atlantique, l'inflation dans la zone euro a atteint en mai son plus haut niveau historique à 8,1 % sur un an, a confirmé vendredi Eurostat, un chiffre plus de quatre fois supérieur à l'objectif fixé par la Banque centrale européenne et qui devrait la conforter dans sa volonté de relever les taux d'intérêt. Si les prix de l'énergie, avec un bond de 39,1 % sur un an, restent le principal moteur de l'inflation, ceux des produits alimentaires non-transformés affichent une hausse de 9 %, ceux des biens industriels hors énergie une augmentation de 4,2 % et ceux des services un gain de 3,5 %.

 

… et spectre d’une crise de l’Euro

 

Tout cela s’est traduit par une baisse de plus de 7 % de l’indice CAC 40 au cours de la semaine passée sur fond d’un spectre d’une nouvelle crise de l’euro. La Banque centrale européenne a donc annoncé mercredi de nouvelles mesures visant à apaiser les tensions sur les marchés obligataires qui ont ravivé ces derniers jours la crainte d'une nouvelle crise de la dette dans la zone euro, mais elle semble avoir déçu une partie des investisseurs.

L'euro a ainsi réduit ses gains face au dollar tandis que la baisse du rendement de la dette à dix ans italienne s'atténuait et que l'écart entre les rendements italien et allemand remontait à 239 points de base, contre 224 points avant le communiqué. Le rendement de la dette à dix ans italienne avait atteint mardi 4,27 %, son plus haut niveau depuis début 2014, un niveau supérieur de 250 points de base à celui de la dette allemande de même échéance, référence pour l'ensemble de la zone euro.

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