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Yves de Kerdrel

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Le son du canon
par Yves de Kerdrel

La situation géopolitique est de plus en plus périlleuse avec une Ukraine en manque de moyens de défense, et un Vladimir Poutine décidé à défier l’Occident. Mais cela n’empêche pas les marchés financiers de battre des records historiques tirés par les promesses de l’intelligence artificielle. Avec des entreprises qui annoncent des performances remarquables et qui prennent soin de leurs actionnaires.

25/02/2024 - 07:21 Lecture 10 mn.

Il existe un vieil adage boursier qui recommande "d’acheter au son du canon et de vendre au son du violon". Cela fait deux ans que l’Ukraine reçoit sur son sol chaque jour des obus, des missiles et des drones kamikazes envoyés par la Russie afin d’anéantir ses centres vitaux, ses centrales électriques et surtout de broyer le moral de ses habitants. Mais la guerre éclair des premiers jours s’est transformée en une guerre de tranchées où il faut près de quatre mois de combat pour déplacer la ligne de front de 30 kilomètres. Et dans ce combat d’endurance, les Ukrainiens bénéficient de la force morale. Mais les Russes ont pour eux une économie de guerre qui les approvisionne en munitions.

Et c’est le moment où Kiev a le plus besoin d’une aide occidentale qui tarde à se mettre en place – du fait notamment des blocages parlementaires américains – que Vladimir Poutine a choisi pour se livrer à une cynique provocation à l’égard de tout l’Occident. D’abord en faisant disparaître la seule personne qui ait osé le défier – l’avocat Alexeï Navalny - pourtant condamné à 19 ans de prison. Ensuite en se dotant d’un nouvel armement – sans doute nucléaire – susceptible de viser le système satellitaire des États-Unis. Enfin en utilisant, pour la première fois des missiles hypersoniques Zircon indétectables par les systèmes de défense antiaérienne ukrainiens du seul fait de leur vitesse, 9 900 kilomètres à l’heure.

 

Un climat anxiogène

 

Il est encore trop tôt pour dire si ce conflit se situe à tournant dangereux pour Kiev. Ce qui est certain, c’est que la fameuse contre-offensive ukrainienne dont il était question il y a un an n’a jamais pu voir le jour. Et que même si les Russes subissent deux fois plus de victimes que leurs opposants – ce qui est dans leur morbide tradition de faire monter au front de la chair à canon – ce sont eux aussi qui ont l’avantage d’autant plus qu’ils ont largement miné tous les territoires que Volodymyr Zelensky s’est engagé à reconquérir.

Si l’on ajoute à cela la perspective d’une élection présidentielle américaine qui offrirait à Donald Trump l’occasion de remettre sur la table le retrait de l’aide américaine, cela crée un climat quelque peu anxiogène. Or même si l’écart n’est pas aussi important que cela entre Joe Biden et Donald Trump, le super Tuesday du 5 mars prochain va donner à ce dernier une nouvelle occasion de marquer son avantage.

 

Les marchés ont-ils toujours raison ?

 

Tout cela n’impressionne pas les investisseurs qui avaient pourtant accusé le coup il y a deux ans, juste après l’entrée des forces russes sur le sol ukrainien. L’indice Nikkei a battu son précédent record, vieux de 34 ans et affiche une hausse de 17 % depuis le début de l’année. Le Dow Jones est lui aussi à son plus haut. Comme le Nasdaq qui a gagné 7 % en deux mois. Quant au CAC 40 il se dirige vers les 8 000 points après avoir progressé de 5 % depuis le 1er janvier, propulsé par ses deux réacteurs que sont, l’euphorie générale des investisseurs et les très bonnes performances des entreprises qui le composent.

Formé par Bertrand Jacquillat à la théorie des marchés efficients, nous devons nous résoudre à croire que ces marchés qui montent – il est vrai sans excès – ont toujours raison. S’ils ont raison, cela signifie que toutes les informations dont ils disposent en temps réel, y compris les plus pessimistes concernant le front russo-ukrainien, sont "pricées" dans les cours actuels. Ou bien qu’ils considèrent que ce conflit, comme la situation au Proche-Orient, comme le blocage de la mer Rouge, comme les tensions autour de Taïwan sont des risques moins importants que celui de ne pas voir aboutir toutes les promesses liées à l’intelligence artificielle.

 

Le Maire ressort le rabot

 

En ce qui concerne la conjoncture économique française, le marché avait déjà pris en compte, depuis longtemps, le fait que la croissance française n’atteindra pas 1,4 % cette année comme le Haut Conseil des Finances Publiques s’était autorisé à le craindre. Ce qui n’a pas empêché de le graver dans le marbre de la loi de finances. Elle ne sera peut-être même pas de 1 % comme Bruno Le maire l’espère désormais. En raison notamment de la situation économique calamiteuse en Allemagne, notre principal partenaire économique.

Afin d’essayer de maintenir de déficit budgétaire de 2024 à 4,4 % du produit intérieur brut (soit la bagatelle de 147 milliards d’euros), le locataire de Bercy a annoncé un plan d’économies de 10 milliards d’euros, avec des annulations de crédits qui ont été publiées dès jeudi au Journal Officiel. On constate que plutôt que d’utiliser le discernement et de respecter les priorités affichées par le gouvernement, c’est-à-dire l’éducation nationale, la défense et la santé, Bruno Le Maire et Thomas Cazenave ont préféré s’équiper d’un rabot. Cela n’a rien d’une politique de rigueur comme celle dont nos finances publiques auraient besoin. Un tableur Excel aurait pu faire aussi bien le travail…

 

Un exercice très contraint

 

Cet ajustement budgétaire est destiné à envoyer un message aux agences de notation qui surveillent la dette française. D’autant plus que Moody’s et Fitch doivent réévaluer leur appréciation le 26 avril prochain. Et Standard & Poor’s le 31 mai. Cette dernière a déjà réagi aux coupes budgétaires annoncées par Bercy avec un simple commentaire au sein duquel S & P pointe la décrue "lente" du déficit budgétaire "élevé" et un "haut" niveau de dette publique.

Mais il faut reconnaître que Bruno Le Maire ne pouvait pas couper davantage dans les dépenses dans la mesure où la loi organique oblige à faire appel au Parlement lorsque des modifications budgétaires portent sur 1,5 % des crédits ouvert. En l’occurrence : 11 milliards d’euros. Dans la mesure où Emmanuel Macron a demandé à Gabriel Attal d’éviter tout recours à l’article 49-3 avant les élections européennes, l’exercice était donc contraint. Ce qui n’empêchera pas de voir émerger un projet de loi de finances rectificative d’ici l’été en fonction de la conjoncture économique.

 

Une colère qui ne se calme pas

 

Nous ne dirons rien de la manière dont s’est déroulée hier l’ouverture du Salon de l’Agriculture. Il n’est pas certain que les éleveurs de vaches limousines ou les producteurs de lait attendaient du Président de la République qu’il brave la colère ambiante, tente de battre un record de durée de présence Porte de Versailles, ou se livre à un début de campagne électorale européenne. Comme toujours, Emmanuel Macron avait réponse à toutes les questions de nos paysans mais sans vraiment marquer une once d’empathie à l’égard des 180 fermiers qui se suicident chaque année.

Notre pays continue d’être plus attentif au bien-être animal qu’à la capacité de survie des agriculteurs. Il est géré par une administration qui ne semble plus concernée par ce qui se passe sur le terrain et pond des circulaires, des questionnaires, des normes et des arrêtés sans se soucier de leur impact. Jamais un mouvement de ce type n’a reçu un tel taux de soutien de la part de nos compatriotes (91 %). Peut-être parce que le slogan "on marche sur la tête" parle à beaucoup de Français. Mais contrairement à ce que pense le Chef de l’État, il n’y a pas la même proportion d’extrémistes ou de populistes en France.

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