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éditorial / Yves de Kerdrel

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Yves de Kerdrel

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Retour aux sources
par Yves de Kerdrel

La nomination de Gabriel Attal à Matignon et la formation d’un gouvernement à la fois resserré et droitisé témoignent de la volonté du Chef de l’État de s’attaquer enfin à la montée du Rassemblement National, et à sa probable victoire lors des élections européennes. Deux questions demeurent. Est-ce que cela sera suffisant ? Et ce coup politique n’arrive-t-il pas trop tard ?

14/01/2024 - 06:30 Lecture 10 mn.

 

Comme à son habitude Emmanuel Macron a fait mentir tous les pronostics qui circulaient il y a une semaine sur le nom du futur locataire de Matignon. Il a donc choisi Gabriel Attal auquel personne ne pensait à cause de son jeune âge et de son arrivée récente au ministère de l’Éducation Nationale. Mais surtout, il l’a fait contre l’avis de François Bayrou – qui avait réussi à barrer la route à Sébastien Lecornu – contre celui d’Édouard Philippe, contre les recommandations d’Alexis Köhler, et enfin contre les avertissements de Brigitte Macron.

Le fait que le Président de la République ait réussi à s’affranchir de ses alliés, de ses amis et de son entourage pour choisir un Premier ministre qui est vite devenu populaire grâce au très bon accueil que lui a réservé l’électorat de droite est une donnée importante. Il n’a pas choisi Gabriel Attal en raison de son jeune âge, en raison de ses galons de "macroniste" historique, ou en raison de leurs liens très amicaux. Mais parce que de tous ses ministres, c’est le seul qui a su parler – aussi bien lorsqu’il était au ministère des Comptes publics qu’à celui de l’Éducation Nationale – d’ordre, d’autorité, et de mérite. Trois mots que les classes moyennes n’ont pas entendus depuis le quinquennat de Nicolas Sarkozy.

 

La redoutable "spin-doctor" de Gabriel Attal

 

Naturellement, à peine nommé, Gabriel Attal a été vu comme un simple supplétif, comme un "collaborateur" du Chef de l’État, comme une sorte de directeur de cabinet. C’est un fait que – ainsi que nous l’expliquions dans ces colonnes la semaine passée – Emmanuel Macron a tordu la Constitution très présidentialiste de la Cinquième République pour faire du poste de Président de la République un super Président américain, doté d’un "chief of staff" qui s’appelle Alexis Köhler et où le rôle de Premier Ministre est difficile à définir.

Bien sûr l’Élysée a aussitôt cornaqué le nouveau locataire de Matignon d’un directeur de cabinet, très proche du secrétaire général de l’Élysée, Emmanuel Moulin, ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy, ex-directeur de cabinet de Bruno Le Maire et efficace Directeur du Trésor. Mais Gabriel Attal a réussi à imposer sa plus proche collaboratrice et véritable "spin-doctor" Fanny Anor comme directrice adjointe de cabinet. Cette agrégée d’histoire, passée par le très libéral Institut Montaigne, présidé par Henri de Castries, va continuer à jouer un rôle essentiel auprès du plus jeune Premier Ministre de nos cinq républiques. Un rôle politique complémentaire du rôle technique dévolu à Emmanuel Moulin.

 

Semaine compliquée pour Bruno Le Maire

 

Malgré tout, c’est l’Élysée qui a organisé le premier train de nominations de ministres. Ce qui n’a rien d’anormal. D’autant que le gouvernement resserré annoncé jeudi soir est le plus politique de tous les gouvernements qui ont entouré Emmanuel Macron dans le Salon vert de l’Élysée où s’est tenu le Conseil des Ministres. Moins d’experts, moins d’anonymes, plus de ténors et plus de personnalités marquées à droite.

Bruno Le Maire a tout de même vécu une semaine compliquée. Car pendant quelques jours l’Élysée a hésité entre casser Bercy en deux pôles : l’un axé sur les finances publiques avec pour objectif un redressement drastique des comptes y compris dans la sphère sociale et l’autre axé sur le réarmement industriel, nouveau leitmotiv du Président de la République. In fine le principal locataire de Bercy a réussi à protéger sa forteresse et même à la consolider en héritant de l’énergie, même si cela ne figure pas dans l’intitulé du ministère. En revanche il perd son directeur de cabinet, nommé directeur général du trésor à la place d’Emmanuel Moulin. Et c’est Jérôme Fournel, directeur général des Finances Publiques qui devient son nouveau directeur de cabinet.

 

Pas un appel de l’Élysée pour Catherine Colonna

 

Comme nous le laissions envisager il y a une semaine, Catherine Colonna, qui connaît pourtant bien le Quai d’Orsay, et de longue date, en a été débarquée au profit du très insipide Stéphane Séjourné. Ce dernier est un très proche du Chef de l’État avec lequel il échange plusieurs fois par jour. En revanche il n’a pas une connaissance experte des relations internationales. Ce qui n’est guère rassurant, surtout après les gaffes commises récemment par Catherine Colonna lors de son passage à Beyrouth où elle s’est éloignée de la fameuse politique arabe de la France chère à Jacques Chirac, son ancien mentor. C’est peut-être pour cette raison qu’elle a appris qu’elle était débarquée de son Ministère en regardant BFM TV. Comme le disaient les romains : Quos Vult Perdere Jupiter dementat…

Quant à la nomination de Catherine Vautrin, elle est importante, car cette chiraquienne historique, qui a déchiré depuis longtemps sa carte LR, est très attachée au sort des classes moyennes. Elle complète donc parfaitement le tableau que Gabriel Attal a dressé dès sa prise de fonctions sur le perron de Matignon en déclarant qu’il fallait que le travail paie toujours davantage que l’inactivité.

 

Embarras au Rassemblement National

 

À la différence de nombreux de nos confrères, nous ne dirons pas ici qu’il s’agit d’un gouvernement de droite. Car depuis longtemps la droite a abandonné son tropisme historique en faveur de la liberté pour préférer l’égalité. En revanche il s’agit d’une équipe destinée à se battre pour les classes moyennes, et pour répondre à leurs préoccupations en matière de pouvoir d’achat, d’ordre, de sécurité, d’éducation, d’autorité, et de souveraineté.

Marine Le Pen et surtout Jordan Bardella sont restés volontairement très silencieux pendant toute cette séquence. Ils ont bien compris que la manœuvre du Chef de l’État était de lancer une "machine de guerre" contre le score probablement très élevé de la liste Rassemblement National, lors des élections européennes du 9 juin prochain. Avec du côté de Renaissance Olivier Véran comme probable tête de liste.

 

Une conférence de presse pour Emmanuel Macron

 

La prochaine étape est désormais – après la liste complémentaire des secrétaires d’État – la déclaration de politique générale de Gabriel Attal, dans huit jours. Un moment très attendu, tant sur le fond que sur la forme. D’ici là, sans doute au milieu de cette semaine, Emmanuel Macron devrait prendre la parole sous la forme rare d’une conférence de presse. On en saura alors plus sur ce qu’il en est de l’engagement pris par Élisabeth Borne de réformer l’aide médicale d’état en ce début d’année. Un sujet qui a du mal à passer dans les rangs de Renaissance. Idem sur les dispositions concernant la fin de vie

Il reste que Gabriel Attal, comme il l’a fait au 20 heures de TF1 jeudi soir avec une efficacité redoutable, va mettre dans sa déclaration de politique générale de l’empathie, des obligations de résultat, et une détermination que seuls sous-estiment ceux qui ne l’ont jamais approché. Très loin du caractère hiératique et mécanique d’Élisabeth Borne qui pourrait bien prendre la tête du parti présidentiel en remplacement de Stéphane Séjourné.

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