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Chroniques / Jean-Baptiste Noé

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Jean-Baptiste Noé

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Allemagne : un cavalier seul qui irrite l’Europe
par Jean-Baptiste Noé

Réputé terne et presque invisible sur la scène européenne, Olaf Scholz n’en joue pas moins sa partition de défense des intérêts allemands. Au mépris du couple franco-allemand, qui ne demeure plus qu’à l’état de mythe.

05/11/2022 - 10:04 Lecture 5 mn.

 

"L’Allemagne d’abord", tel pourrait être le slogan de tous les chanceliers de Berlin. Angela Merkel n’avait eu aucun scrupule à lier son pays à l’énergie russe, et singulièrement au gaz, tout en œuvrant au Parlement européen pour affaiblir l’industrie nucléaire française. Un moyen de pénaliser son voisin et de lui vendre des éoliennes, c'est-à-dire un savoir-faire industriel allemand.

Le lobbying autour de la taxonomie a ainsi longtemps permis de classer comme "vert" l’énergie issue du gaz, à l’inverse de celle issue de l’uranium. Une classification en défaveur de la France, ce qui n’empêchait pas Paris de défendre l’idée d’un "couple" franco-allemand, qui semblait plus une idée française qu’une adhésion allemande. L’annulation du conseil des ministres communs, qui devait se tenir à Fontainebleau, a confirmé aux yeux de tous la fin d’une époque fondée sur deux visions et deux approches différentes.

 

Entre l’Ukraine et la Chine : l’Allemagne

 

La guerre en Ukraine a brisé les rêves orientaux de Berlin : face aux sanctions contre la Russie, il n’était plus possible de s’approvisionner en énergie chez le voisin russe et Nord Stream 1 et 2 devenaient subitement inutilisables. Soufflant le chaud et le froid, contraint à la solidarité européenne avec l’Ukraine, mais n’ayant guère d’appétence pour ce pays, à l’inverse du Royaume-Uni qui dès le début des opérations s’engagea lourdement en faveur de Kiev contre Moscou. Les reproches pleuvaient sur Scholz, qui fit le dos rond en espérant que la guerre serait courte, ce qu’elle n’est pas. Il fallut faire quelques concessions de solidarité afin de témoigner d’une certaine unité européenne.

L’annonce par le chancelier allemand de sa volonté de faire de l’Allemagne la première puissance militaire du continent jeta un autre trouble. Surtout quand les promesses d’achat de matériel furent d’origine américaine. La défense et l’industrie européenne étaient mortes coup sur coup. Berlin n’en a cure. Tout à sa volonté d’être première en Europe, elle peut sans peine s’arrimer au navire américain pour les sujets internationaux.

Olaf Scholz, ancien ministre des Finances d’Angela Merkel, était perçu comme terne et fade. Il avance pourtant avec une constance à toute épreuve, traçant sa voie en dépit des critiques. C’est ainsi qu’il se rend en Chine, quelques jours à peine après que Xi Jinping a de nouveau été adoubé. En seize ans de gouvernement, Merkel s’était rendu douze fois en Chine. Des visites essentielles pour saluer le premier partenaire commercial de l’Allemagne. Scholz poursuit sans fausse note cette politique. Il a imposé la prise de contrôle du port d’Hambourg par une entreprise chinoise, contre l’avis de six ministres importants de son gouvernement.

Et il se rend à Pékin en dépit des critiques venues de France et d’Europe. Avec dans ses bagages les représentants des grandes entreprises allemandes, jouant sa partition de chef de gouvernement et de commercial de l’industrie germanique. Ses alliés européens peuvent pester, Olaf Scholz défend d’abord les intérêts de son pays, dont l’industrie est de plus en plus menacée par la hausse du prix de l’énergie. Le couple franco-allemand pourra attendre, ainsi que les projets de politique européenne commune.

Vue d’Europe, l’Allemagne donne l’impression de se vendre au plus offrant. Autrefois la Russie, désormais la Chine, renonçant à tout projet d’indépendance et de souveraineté, ce qui passerait déjà par une énergie autonome. À quoi cela sert-il de disposer d’une armée et d’une économie puissantes si c’est pour être liés à des puissances étrangères dont les valeurs et les projets politiques ne sont pas ceux des Européens ? Olaf Scholz devra un jour s’en expliquer à sa coalition, dont plusieurs membres n’approuvent pas sa politique et s’en expliquer aussi à ses partenaires européens.

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