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Le très mauvais coup allemand
par Yves de Kerdrel

Jeudi dernier le gouvernement d’Olaf Scholz a annoncé, sans prévenir, la création d’un bouclier énergétique de 200 milliards d’euros à destination des entreprises afin de protéger l’industrie allemande. Alors que l’Europe avait convenu d’une initiative commune, les Allemands ont encore une fois décidé de faire cavalier seul. Mais cette fois-ci, il s’agit d’un sacré coup de canif dans le marché unique européen.

02/10/2022 - 06:30 Lecture 10 mn.

 

Le chancelier allemand, Olaf Scholz, a présenté jeudi un "bouclier" de 200 milliards d’euros destiné à protéger les entreprises et les ménages contre l’impact de l’envolée des prix de l’énergie. "Il faut que les prix baissent. Le gouvernement va donc faire tout son possible. Dans ce but, nous mettons en place un vaste bouclier défensif", a dit le chef du gouvernement. Presque au même moment, Destatis, l’institut national de la statistique, annonçait que l’inflation en Allemagne avait atteint 10,9 % sur un an en septembre selon sa première estimation, le chiffre le plus élevé depuis le début de la série statistique en 1996.

Le plan gouvernemental, qui sera financé par de nouveaux emprunts, prévoit entre autres un mécanisme de "frein d’urgence" pour les tarifs du gaz et de l’électricité et l’abandon du projet de taxe sur le gaz qui initialement devait permettre de limiter les hausses à venir. Par ailleurs, les réacteurs nucléaires du sud du pays qui devaient fermer avant la fin de cette année resteront en activité jusqu’au printemps. Enfin Berlin a suspendu son frein à la dette, qui plafonne les nouveaux emprunts à 0,35 % du produit intérieur brut. L’Allemagne va donc massivement recourir à la dette pour financer ce nouveau plan. C’est un nouveau "whatever it takes", qui mobilise près de 300 milliards d’argent public (200 pour les entreprises et 95 pour les ménages), supérieur à celui déployé par l’Allemagne pour protéger son économie pendant le Covid.

 

Une entaille grave dans le marché unique

 

Ce cavalier seul de l’Allemagne n’est pas seulement grave ; il est insupportable. Ce n’est pas la première fois que notre principal partenaire économique prend des mesures unilatérales de pur "nationalisme économique" dès lors que son industrie se trouve menacée. Il y a eu en 2011 la décision d’arrêt des centrales nucléaires qui a déstabilisé tout le marché européen de l’électricité. Puis en 2015, l’arrivée d’un million et demi de migrants pour résoudre les problèmes d’emploi des patrons allemands. En 2018, le très francophile et francophone Peter Altmaier avait annoncé son plan visant à porter de 20 à 25 % le poids de l’industrie dans le PIB allemand, ce qui aurait dévitalisé l’industrie française. Et voilà ce bouclier énergétique qui va protéger toute l’industrie allemande, créant de fait une gigantesque distorsion de concurrence avec les industriels français ou italiens.

Cela fait quelque temps que le couple franco-allemand a disparu, privant l’Europe d’un leadership indispensable. Mais là, la faute allemande est bien plus grave, car elle s’attaque aux fondements même du marché unique européen qui prévoit les mêmes conditions de concurrence au sein de la zone Euro. Et bien sûr la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ancienne ministre des Finances de l’Allemagne n’a pas réagi à l’annonce spectaculaire des dirigeants de son pays. Même silence assourdissant de la part de Bruno Le Maire ou d’Emmanuel Macron. À Bruxelles, Thierry Breton espère toujours pouvoir mettre en place une réponse commune à la hausse des prix de l’énergie. Mais il faut se rendre à la raison. L’initiative allemande oblige chaque pays européen à mettre en place ses propres protections avec ses propres moyens financiers.

 

Une possible intervention du Chef de l’État jeudi prochain

 

Selon les informations de WanSquare, le Président de la République a été très irrité de ce mauvais coup de Berlin. Il fait travailler tous ses services et Bercy pour que la France puisse désormais protéger ses entreprises contre le choc énergétique. Un choc qui est déjà tangible puisque les livraisons de gaz d’Engie aux entreprises ont chuté de 30 % par rapport à l’étiage habituel. Ce qui signifie que de très nombreux fours sont à l’arrêt dans les cimenteries, chez les fabricants de verre et d’acier.

Nicolas Dufourcq qui s’évertue à favoriser la réindustrialisation du pays, à la tête de Bpifrance est totalement mobilisé sur ce sujet énergétique. Si bien que son grand évènement de jeudi prochain, "Big", qui va réunir des milliers d’entrepreneurs à l’espace Accor Arena, ne pourra pas évacuer ce sujet des coûts de l’énergie. Selon nos informations, Emmanuel Macron devrait y intervenir pendant une heure et peut-être faire de premières annonces de manière à répondre au mauvais coup allemand.

 

Secousses sur le taux de rendement de l’OAT à dix ans

 

Le problème, c’est que si l’Allemagne peut mobiliser 200 milliards d’euros sans problème sur le marché de la dette, la France qui a prévu d’avoir recours aux marchés financiers à hauteur de 270 milliards d’euros l’an prochain (et plus de 300 milliards en comptant les administrations publiques au sens de Maastricht) n’a pas de marge de manœuvre financière pour mettre en place un tel "whatever it takes". Les derniers propos de Bruno Le Maire allaient d’ailleurs dans le sens contraire estimant qu’il n’y avait pas besoin de mettre en place de mesures spécifiques pour les entreprises.

Celui qui se laisse surnommer "le Vice-Président" tout en ne pensant qu’à se faire élire à la tête du FMI dans deux ans, va maintenant devoir revenir sur terre et trouver comment mettre en place une protection pour nos industriels, dont les factures sont multipliées par 5 ou 6 en l’espace de quelques mois. Tout cela au moment précis où il doit défendre un projet de loi de finances marqué par son caractère dispendieux, avec un niveau de dépenses publiques très élevé et par cette aberration que constitue l’annonce de l’embauche de 10 700 nouveaux fonctionnaires. Qu’on ne s’étonne donc pas si le taux de rendement de l’OAT à 10 ans a tutoyé les 2,90 % jeudi dernier alors qu’un mois plus tôt il n’était qu’à 1,90 %.

 

Les inquiétudes du Gouverneur

 

Le Gouverneur de la Banque de France n’a pas caché ses tourments mardi dernier devant la Commission des Finances où il était auditionné sur l’environnement macroéconomique de la France. Tourments face aux aberrations économiques de la nouvelle Première Ministre britannique qui finance des baisses d’impôts massives et des subventions par du déficit budgétaire. Ce qui a entraîné un effondrement de la livre sterling, de la dette britannique et une alerte du FMI.

Partant de ce mauvais exemple de "policy mix" François Villeroy de Galhau a appelé les parlementaires à ne " pas ajouter de l'incertitude à l'incertitude", et à conserver "le cap d'une politique budgétaire française ancrée sur une norme de dépenses réellement tenue et permettant le désendettement dans la durée". Notre grand argentier ne cache pas ses doutes sur la capacité du pays à réduire ses dépenses publiques. D’autant plus que la trajectoire des finances publiques sur cinq ans fait ressortir une croissance en volume de nos dépenses de 0,6 %. Le gouverneur de la Banque de France a également mis en garde contre la tentation d'un nouveau "quoi qu'il en coûte". Ce qui va sans doute provoquer quelques débats avec le Trésor, Bercy et l’Élysée sur le sujet d’un bouclier tarifaire à destination des entreprises. Alors que les 45 milliards qui seront dépensés pour les particuliers ne sont pas tous justifiés.

 

La réforme des retraites début 2023

 

Tout cela rend d’autant plus pressante la réforme des retraites qui aura donc lieu soit en fin d’année ou début 2023 par un projet de loi ad hoc laissant la place à la concertation, soit par un PLFSS rectificatif en début d’année prochaine avec utilisation du 49-3 en cas d’échec des négociations avec les partenaires sociaux. Emmanuel Macron a tranché ce débat qui durait depuis trop longtemps sur la méthode à utiliser.

Quant à la réforme en elle-même, ce qui est connu c’est qu’elle s’appuiera sur une mesure d’âge légal porté à 65 ans, comme promis lors de la campagne électorale, avec une clause de revoyure en 2027. Tout cela doit engendrer une économie de 20 milliards d’euros et créer plus de 200 000 emplois selon les éléments de langage de l’Élysée. Toute la question est de savoir comment le patronat va gérer la question de l’emploi des seniors, alors qu’actuellement 47 % des salariés qui font valoir leurs droits à la retraite n’ont pas d’emploi. Le débat est sur la table. Il n’y a guère plus de trois mois pour apporter les solutions nécessaires.

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