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Chroniques / Jean-Baptiste Noé

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Gaza : le marteau ou la cocotte-minute
par Jean-Baptiste Noé

Que faire face au Hamas ? Envahir Gaza ou attaquer de loin ? Frapper fort ou mener une opération de long terme ? La stratégie d’Israël est en débat au sein même de ses états-majors.

28/10/2023 - 08:30 Lecture 5 mn.

Après l’attaque du 7 octobre, Benyamin Netanyahou avait promis de frapper fort et vite. Si les tirs de missiles sur Gaza furent effectifs dès les lendemains des attaques du Hamas, l’opération terrestre massive tarde, elle, à se mettre en place. C’est que celle-ci pose d’importantes questions stratégiques et opérationnelles.

 

Stratégie du marteau

 

Bombarder une zone de loin est une chose, mener une opération terrestre dans une ville détruite en est une autre. Rien n’est plus dur à mener que la guerre urbaine. L’adversaire y dispose d’un avantage comparatif majeur, connaissant les lieux et pouvant se mouvoir dans des bâtiments en ruine. Avec des drones et des snipers, il est aisé de harceler des unités et des chars et de causer des dégâts importants à l’ennemi. Si l’attaque terrestre fut annoncée dès les lendemains du 7 octobre, trois semaines plus tard, elle n’a pas encore été lancée.

La guerre urbaine est coûteuse en homme, longue, difficile à mener et, comme une souricière, si elle dispose d’une porte d’entrée claire, nul n’en voit vraiment la porte de sortie. D’où le fait qu’Israël a, jusqu’à présent, temporisé, effectuant uniquement de brèves incursions de nuit. La stratégie du "marteau" est pour l’instant mise de côté. Frapper fort oui, mais de loin et avec des missiles, pas encore avec l’armée de terre.

 

Cocotte-minute

 

Au marteau, beaucoup de stratèges de Tsahal préfèrent la "cocotte-minute", moins dangereuse pour leurs hommes, mais tout aussi efficace. Les hommes du Hamas ne peuvent pas vivre indéfiniment dans leurs tunnels : c’est pesant sur le plan psychologique et cela nécessite des supports techniques qui s’épuisent : eau, nourriture, électricité. L’accès au carburant est fondamental pour assurer la survie dans les tunnels : c’est lui qui permet de faire tourner les groupes électrogènes qui fournissent l’électricité indispensable pour s’éclairer, pour renouveler l’air, pour apporter l’eau potable, pour évacuer les eaux usées. Sans diesel, la vie est impossible. Or les réserves s’épuisent et le Hamas est désormais obligé de se fournir auprès des hôpitaux et des bâtiments publics dans un système de marché noir et parallèle complexe.

Israël privilégie cette option, celle du siège à l’ancienne : épuiser l’adversaire dans la cocotte-minute de ses tunnels jusqu’à ce que celui-ci craque. Pour se dégourdir et s’aérer, les hommes du Hamas sont contraints de sortir régulièrement, devenant vulnérables à des frappes, même nocturnes. Les convois qui alimentent les tunnels sont eux aussi repérés et neutralisés. Un travail long, de patience, qui ne peut porter des fruits tangibles que sur plusieurs mois. Mais une stratégie moins dangereuse pour Israël, moins coûteuse en homme et qui a le grand mérite d’éviter une escalade dans la région et de limiter une attaque du Hezbollah au nord.

 

Une guerre ruineuse

 

Israël est une nation en armes dont les civils sont des militaires rudement formés, y compris les femmes qui effectuent un service militaire de deux ans (contre trois années pour les hommes). Mais la guerre coûte cher. Pendant leur mobilisation, les réservistes ne travaillent pas, ce qui endort l’économie. Une situation qui n’est pas tenable sur le long terme. Le dôme de fer qui protège Israël des roquettes du Hamas est très onéreux : le prix de l’interception d’une roquette est plus élevé que celui de la fabrication de ladite roquette. Un rapport déséquilibré en faveur du Hamas qui joue l’épuisement des forces côté israélien.

D’autant qu’une intervention terrestre à Gaza, si elle est spectaculaire, n’éradiquera pas le Hamas. Les chefs du Hamas sont hébergés au Qatar, les terrains d’entraînement sont situés au Soudan et en Syrie, les réseaux de financement passent par la Turquie, l’Iran, l’Égypte. À Gaza, Israël affronte un canard dont les têtes sont ailleurs. Décidément poétiques, les stratèges de Tsahal comparent la lutte contre le terrorisme à une "tonte de gazon" : il faut régulièrement passer la tondeuse pour réduire le risque terroriste en sachant que celui-ci ne disparaîtra jamais et qu’il faudra repasser à la coupe. Dans ces conditions, pourquoi risquer la vie des jeunes Israéliens sachant que le rapport démographique est défavorable à Israël. Et qu’un embrasement de la région serait plus nuisible à Israël qu’au Hamas. Si elle est moins spectaculaire, et dans cette guerre les images comptent beaucoup, la stratégie de la cocotte-minute est, pour l’instant, préférée à celle du marteau.

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