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éditorial / Yves de Kerdrel

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Yves de Kerdrel

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Sus à Le Pen
par Yves de Kerdrel

L’impopularité du Chef de l’État reste au plus haut en dépit de ses démarches hebdomadaires pour rencontrer les Français. À cela s’ajoute la désertion des députés Renaissance qui sont devenus presque invisibles à l’Assemblée nationale. Quant aux ministres ils s’emploient tous à aller sur les terrains de prédilection de Marine Le Pen. Au risque d’hystériser le débat public et de crédibiliser davantage encore les thèses défendues par le Rassemblement National.

07/05/2023 - 06:30 Lecture 12 mn.

 

Il ne reste plus que soixante-huit jours d’ici le rendez-vous du 14 juillet qu’Emmanuel Macron a lui-même fixé lors de sa dernière intervention télévisée. Et pour l’heure ses tentatives d’apaisement du Pays sont restées vaines. Il a beau poursuivre ses déplacements en Province à raison d’un à deux par semaine, les concerts de casseroles ou les coupures d’électricité se multiplient, obligeant les préfets à prendre des arrêtés pour interdire les rassemblements qui crispent davantage encore les opposants au Chef de l’État.

Le problème c’est que derrière cette fronde à bas bruit au sein de la population française il n’y a pas que l’opposition à la réforme des retraites. Ce sujet est même devenu mineur. Même si les manifestants arborent des calicots sur lesquels on peut lire "on ne tournera pas la page", ils sont effectivement passés à autre chose. Et leur préoccupation majeure aujourd’hui, c’est la hausse des prix alimentaires (plus de 30 % sur deux ans) et la chute de leur pouvoir d’achat. Ce qui explique la présence de tant de retraités dans les manifestations.

 

Des députés Renaissance aux abris

 

Et tout donne le sentiment qu’Emmanuel Macron n’a pas pris la mesure de cette angoisse qui nourrit le ressentiment de la population. À chaque déplacement il poursuit son exercice de pédagogie sur la réforme des retraites et ses actes de contrition sur les problèmes de méthodes pour faire passer cette réforme. Mais jamais il n’aborde cette question du pouvoir d’achat. Or les patrons des banques les plus proches des territoires (Banque Postale, Caisse d’Épargne, Banques populaires) constatent tous des découverts de plus en plus importants après le 9 du mois, alors que les différentes prestations sociales sont versées le 5 de chaque mois.

Quant aux députés Renaissance qui, en principe, doivent relayer la parole présidentielle dans leur circonscription et faire bloc autour de la Première Ministre à l’Assemblée, ils semblent désormais tous aux abris. Les habitués du Palais Bourbon assurent ne plus croiser dans les couloirs de l’Assemblée nationale ou bien dans la salle des quatre colonnes que 80 députés du parti présidentiel sur les 162 qui y sont inscrits. C’est ce qui a permis, la semaine passée, aux députés communistes, bien plus mobilisés, de faire passer deux textes de leur "niche" sans difficulté et malgré l’opposition du gouvernement.

 

Course à l’échalote avec Marine Le Pen

 

S’agissant des ministres, ils ont décidé de renoncer à faire des déplacements en Province après les ennuis de Pap Ndiaye lors de son aller-retour à Lyon, et son blocage dans le TGV. Quant aux piliers du gouvernement, comme Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, Olivier Véran ou Gabriel Attal, ils sont partis dans une curieuse "course à l’échalote" avec Marine Le Pen. Cela avec la bénédiction de l’Élysée. Le Ministre de l’économie avait donné le "la" en pointant du doigt avec force ceux qui perçoivent des prestations sociales dans les pays du Maghreb. Cette semaine, Gérald Darmanin a violemment attaqué les faiblesses, en matière d’immigration illégale, de l’actuel gouvernement italien (assez coloré de l’extrême droite locale), au risque de créer une petite polémique avec nos amis transalpins. Idem pour Gabriel Attal, pourtant issu des rangs du Parti Socialiste et dont le discours, vendredi matin sur BFM TV, portait bien davantage sur la fraude sociale que sur la fraude fiscale, comme le font régulièrement les parlementaires du Rassemblement National.

Manifestement il y a actuellement une volonté de la part de la majorité d’attaquer Marine Le Pen sur tous ses sujets de prédilection et de la débusquer partout où elle est. Mardi dernier, lors de la reprise des traditionnelles "Questions au Gouvernement" après les vacances parlementaires, l’ancienne présidente du Rassemblement National a posé une question sur l’immigration. C’est Élisabeth Borne qui lui a répondu en ironisant sur le fait qu’elle était heureuse d’entendre enfin le son de sa voix. Car les sondeurs se plaisent à faire remarquer que moins la candidate RN à la présidence de la République parle, plus elle monte dans les sondages, au point d’être désormais assurée d’avoir 30 % des voix au premier tour.

 

Un débat public hystérisé

 

Il n’est pas certain que cette guérilla faite par des ministres à l’encontre des thèses du Rassemblement National soit bonne pour le Pays. Cela hystérise le débat public. Cela conduit les députés LR à se rapprocher des idées défendues par le Rassemblement National. Et in fine cela crédibilise encore davantage les idées portées par Marine Le Pen. Mais à défaut de pouvoir faire voter une loi sur l’immigration et surtout de pouvoir résoudre les problèmes quotidiens des Français, il ne reste plus que cette petite "course à l’échalote" aux membres du gouvernement.

Il y a maintenant presque trente-cinq ans on avait beaucoup ironisé sur les propos de Michel Rocard qui voulait s’attaquer aux cages d’escalier des HLM. Certains avaient trouvé cela indigne d’un Premier Ministre. D’autres avaient jugé cela inapproprié dans un discours de politique générale. On mesure à quel point l’ancien leader de la "deuxième gauche" avait mille fois raison. Même si son discours n’avait pas été suivi de mesures concrètes.

 

La BCE poursuit son resserrement monétaire

 

Alors que la hausse des prix à la consommation de la zone euro a atteint 7 % sur un an le mois dernier, La Banque Centrale Européenne a annoncé jeudi de nouvelles mesures de resserrement monétaire. Comme attendu, elle a relevé son principal taux d’intérêt directeur de 25 points de base ; il s’établit ainsi désormais à 3,25 %. Christine Lagarde a fait remarquer que même si l’inflation globale a diminué au cours des derniers mois, les pressions sous-jacentes sur les prix restent fortes. Mesurée par Eurostat cette inflation sous-jacente est passée de 5 % - à l’automne dernier – à 5,6 % en avril.

Lors de sa conférence presse, la Présidente de la BCE a laissé entendre que tout serait fait pour permettre un retour rapide de l’inflation autour de l’objectif à moyen terme de 2 %. Par ailleurs elle a donné des éléments sur le débat ayant eu lieu entre banquiers centraux européens à l’occasion de la réunion de politique monétaire d’aujourd’hui. Selon ce qu’elle a indiqué, certains membres du Conseil des gouverneurs ont estimé qu’une hausse de 50 points de base serait appropriée, d’autres, qu’une augmentation de 25 points de base le serait aussi. Mais personne n’a plaidé pour un statu quo.

 

Des effets déjà visibles de la hausse des taux

 

De son côté, François Villeroy de Galhau, habitué à faire le service après-vente dans les médias des mesures prises par la BCE, a indiqué sur Radio Classique que "l’essentiel de l’effort a été fait, même s’il y aura probablement encore quelques hausses de taux". Pour le Gouverneur de la Banque de France il est manifeste que la hausse des taux – qui a débuté il y a moins d’un an - commence à avoir un effet sur l’inflation. Alors que la littérature académique estime que la transmission de la politique monétaire à l’économie nécessite une période d’un an à dix-huit mois.

Pour François Villeroy de Galhau, il est clair que : "La durée des hausses de taux est désormais plus importante que la vitesse… Nous persisterons jusqu’à ce que l’inflation soit maîtrisée". Avant d’ajouter que la BCE vise à ramener l’inflation à 2 % d’ici 2025, voire d’ici la fin de l’année prochaine. Et tout cela sans ralentir l’économie.

 

Une gestion d’Air France-KLM très critiquable

 

En matière de business, de nombreux dirigeants de grands groupes français s’interrogent de plus en plus sur la manière dont Air France KLM est dirigé. La compagnie tricolore continue de limiter ses vols à destination de la Chine privant ainsi la France de la visite de très nombreux touristes chinois. Or ceux-ci font rentrer chaque année plus de 5 milliards d’euros de recettes dans l’économie hexagonale. En dépit d’un courrier adressé il y a quelques jours à Emmanuel Macron par Sébastien Bazin, Philippe Houzé, Augustin de Romanet et Henri Giscard d’Estaing, les dirigeants d’Air France KLM ont clairement fait savoir qu’ils n’entendaient pas augmenter la fréquence des rotations aériennes entre la Chine et la France.

Après avoir encore accusé une perte de plus de 300 millions d’euros au cours du premier trimestre, Air France-KLM a annoncé cette semaine être entré en discussions exclusives avec Apollo Global Management concernant le financement de 500 millions d’euros d’une filiale dédiée à son Activité Ingénierie et Maintenance (composants de rechange). Cet apport d’argent frais venant d’un fonds habitué à intervenir dans des entreprises qualifiées de "distressed" serait affecté aux fins générales de l’entreprise. Que l’Agence des Participations de l’État laisse la compagnie tricolore procéder de la sorte alors que son ministre de tutelle ne parle que "souveraineté" laisse songeur…

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