WAN
menu
 
!
L'info stratégique
en temps réel
menu
recherche
recherche

Chroniques / Jean-Baptiste Noé

Chroniques
Jean-Baptiste Noé

Chronique
La Russie mangée par la Chine ?
par Jean-Baptiste Noé

Officiellement alliées, la Chine et la Russie ne sont pourtant pas sur un pied d’égalité. La récente visite de Xi Jinping à Moscou marque un renouvellement des relations entre les deux pays mais aussi une vassalisation de Moscou à l’égard de Pékin.

08/04/2023 - 08:30 Lecture 4 mn.

 

En envahissant l’Ukraine, Vladimir Poutine voulait montrer la grandeur et l’indépendance de la Russie. Avait-il prévu que de cette "opération militaire spéciale" allait sortir une résurrection de l’OTAN, une renaissance du nationalisme ukrainien et une vassalisation de son pays à l’égard de la Chine ? Un an après, Moscou semble de plus en plus inféodé à Pékin.

La Chine n’a certes pas voté les sanctions économiques contre la Russie et n’a pas non plus condamné l’invasion de l’Ukraine. Une abstention qui vaut soutien à la politique du Kremlin, mais pas alignement sur le voisin russe. La Chine a besoin des céréales de l’Ukraine, où les entreprises chinoises possèdent de nombreuses terres. Elle a besoin aussi des hydrocarbures russes, mais la Russie a aussi besoin de lui vendre ses énergies, d’autant plus que le marché européen s’est fermé. Cette relation à double entrée lie autant la Russie à Pékin qu’elle ne marque une relation d’alliance. Il n’y a pas encore de livraison de matériels militaires, ni de prêts financiers, ni de soutien logistique. La Chine est, à l’égard de la Russie, un allié par abstention non par action.

 

Prévalence des nations

 

Il n’y a pas d’un côté le bloc des démocraties et de l’autre celui des régimes autoritaires. Si les démocraties peuvent former un bloc d’alliance homogène et cohérent, notamment avec l’OTAN, les autres pays mettent d’abord en premier leurs intérêts et leur nation avant une quelconque alliance idéologique. Déjà du temps de la guerre froide les pays communistes ne formaient pas un bloc unitaire. Staliniens, maoïstes, titistes, les oppositions étaient vives. URSS et Chine se sont affrontées au Vietnam et au Cambodge par l’intermédiaire de leurs alliés et Kissinger sut jouer de cette rivalité pour enfoncer un coin dans le monde communiste. Les choses n’ont guère changé aujourd’hui, si ce n’est que le moteur idéologique est beaucoup moins fonctionnel.

Chine et Russie sont membres de l’OCS (Organisation de coopération de Shanghai), avec l’Inde et la Mongolie. Une Organisation qui n’a jamais rien donné de concret, si ce n’est de belles photos lors des sommets. La Chine et l’Inde sont deux nations en rivalité et en opposition ; on voit donc mal comment pourrait se constituer une alliance resserrée entre les membres de ce club.

En proposant un plan de paix sur l’Ukraine, que la Russie a accepté de regarder, la Chine ouvre une voie historique de l’histoire du monde. C’est en effet la première fois que Pékin intervient directement dans un conflit en Europe et que la Chine s’immisce dans les affaires des Européens. C’est indubitablement un tournant dans l’histoire récente de l’Europe. Comme c’est un tournant aussi le fait que la Russie arrime son économie au yuan en faisant de la monnaie chinoise une monnaie de référence pour ses échanges. La Russie veut donc utiliser le yuan pour ses échanges avec l’Asie, l’Afrique et l’Amérique latine, à la place du dollar.

Donc quitter une soumission à la monnaie américaine pour opter pour une soumission à la monnaie chinoise. En matière monétaire, la Russie change de souverain, mais reste toujours vassale. Encore faudra-t-il convaincre ses partenaires économiques de quitter le dollar pour le yuan, et donc d’affronter d’éventuelles sanctions américaines. Il n’est nullement certain que les Africains et les Sud-Américains soient prêts à troquer des billets verts contre des coupures à l’effigie de Mao. Si la Russie était réellement souveraine, c’est en rouble qu’elle ferait ses échanges économiques. Que cette monnaie vienne de Pékin ou de Washington témoigne surtout de la vassalisation constante de la Russie à l’égard de la Chine.

En envahissant l’Ukraine, Vladimir Poutine pensait s’affranchir de l’Occident. Si c’est pour se jeter dans les bras de la Chine, il n’est pas certain qu’il ait gagné au change.

Chroniques du même auteur
Chroniques
du même auteur

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / Irak, vingt ans après

01/04/2023 - 08:30

//

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / Charles III : l’avertissement

25/03/2023 - 08:30

//
Les chroniques de la semaine
Les chroniques
de la semaine

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / Irak, vingt ans après

01/04/2023 - 08:30

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / Charles III : l’avertissement

25/03/2023 - 08:30

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / AUKUS : rêve ou illusion ?

18/03/2023 - 08:30

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / Angleterre : le crunch

11/03/2023 - 08:30

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / Agriculture : chef-d’œuvre en péril

04/03/2023 - 08:30

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / Ukraine, un an après

25/02/2023 - 08:30

Chronique / Jean-Baptiste Noé

Chronique / Mexique : un pays rongé par la drogue

18/02/2023 - 08:30