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éditorial / Yves de Kerdrel

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Yves de Kerdrel

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Procrastination
par Yves de Kerdrel

À deux mois des élections européennes, le président de la République a demandé que l’on reporte les mesures budgétaires d’ampleur. Il n’y aura donc ni augmentation d’impôt, ni loi de finances rectificative, ni nouvelle annulation de crédits. Si bien que le déficit budgétaire devrait être proche de 150 milliards d’euros. Pour le chef de l’État l’issue de ce dilemme est liée à une croissance plus forte.

14/04/2024 - 06:30 Lecture 10 mn.

 

Ite missa est. En quelques mots le Président de la République a voulu clôturer les conjectures qui animent le microcosme politico-économico-médiatique depuis la révélation des chiffres du dérapage budgétaire. À l’occasion d’un déplacement à Bergerac il a attribué la cause de ces "mécomptes" publics au choc conjoncturel encaissé à l’automne dernier "plus brutal et plus rapide qu’attendu" en l’expliquant par la "récession allemande" et par le "ralentissement italien" (sic).

L’exécution budgétaire de 2023 a beau faire apparaître des dépenses publiques supérieures de 20 milliards à ce qui était prévu dans la loi de finances, pour lui : "nous n’avons pas un problème de dépenses excessives mais un problème de moindres recettes". Le même Emmanuel Macron, invité de l’Université d’été du Medef le 27 août 2015 déclarait pourtant "Lorsqu’on a 57 % de dépense publique rapportée au PIB, ça n’est plus possible".

 

La poussière sous le tapis

 

Si le Chef de l’État a décidé de mettre la poussière sous le tapis – ce qui n’est pas dans son habitude – c’est pour plusieurs raisons. D’abord il lui fallait mettre fin très vite à ce débat et à cette "foire à la saucisse" des possibles augmentations d’impôt. Car toute instabilité fiscale pèse sur la confiance des ménages et des entreprises. Et donc sur la croissance. Ensuite parce que ce débat fait ressortir les chiffres de son bilan économique depuis sept ans. Or c’est ce qui lui tient le plus à cœur. Il ne veut pas le voir terni par de "la mauvaise épicerie budgétaire" comme l’explique un de ses proches conseillers. Enfin parce que, tout inspecteur des finances qu’il est, il a fini par se mettre en tête que "l’intendance suivra".

Cette sentence gaullienne était valable du temps du Général de Gaulle, des Trente Glorieuses et de Valéry Giscard d’Estaing, ministre des Finances régnant sur une de Rivoli où tout fonctionnait au carré. Car l’intendance suivait effectivement. Et les budgets étaient si facilement équilibrés voire excédentaires que Giscard avait été proposer au Général d’instaurer une "règle d’or" empêchant d’avoir des comptes publics dans le rouge. C’est ce que raconte Georges Valance dans sa biographie de VGE. Et il s’est vu opposer un veto du Général de Gaulle qui préférait plus prudent de garder de la souplesse budgétaire en cas de coup dur.

 

Le taux d’endettement ne baissera pas

 

Compte tenu de l’état d’esprit d’Emmanuel Macron, c’est sans surprise que Bruno Le Maire a été contraint d’envoyer au Haut Conseil des Finances Publiques un nouveau programme de stabilité avec un déficit public pour 2024 de 5,1 % du PIB au lieu de 4,4 % dans la loi de finances publiée il y a seulement cent jours au Journal Officiel. En valeur absolue, cela devrait donc donner un trou de 148 milliards d’euros qui va entraîner un gonflement de la dette.

C’est d’ailleurs la très mauvaise surprise de ce programme de stabilité puisque l’on y voit le taux d’endettement grimper de 110,6 % du PIB à 112,3 % cette année et à 113,1 % en 2025. Le 22 mars dernier, à l’issue d’un sommet européen, le Chef de l’État avait pourtant indiqué que l’une de ses deux priorités était de faire faire baisser le ratio d’endettement. Il était de 111,8 % au début du quinquennat. Si tout se passe bien, il sera à 112 % en 2027. Et selon les calculs de l’Institut économique Molinari, c’est entre janvier et juin de l’année prochaine que le cap des 1 000 milliards d’euros de dette supplémentaire aura été franchi sous l’ère Macron.

 

Bruno Le Maire s’incline

 

Le Haut Conseil des Finances Publiques va rendre, dans les jours qui viennent, un avis, sans doute, très mesuré sur ce programme de stabilité. De manière à ne pas "remettre des pièces dans la machine" du budget bashing. Ce qui donnerait encore plus de raisons aux agences de notation de dégrader la note des obligations du Trésor. Alors qu’en dépit d’un léger sursaut à 2,95 % cette semaine, elles continuent d’afficher un taux de rendement plutôt modeste et inférieur à 2,9 %.

Tout le monde a pu constater de quelle manière Bruno Le Maire, qui souhaitait un exercice de transparence démocratique avec la présentation d’une loi de finances rectificative, a été contraint de ranger tous ses projets, de se taire et de ne pas démissionner. Et d’entendre Emmanuel Macron déclarer de surcroît, qu’il n’y a eu aucun désaccord entre les deux hommes ni aucune confrontation.

 

Un risque de censure repoussé à l’automne

 

Le Chef de l’État n’a plus qu’un seul but aujourd’hui : faire en sorte que les Jeux Olympiques se passent dans les meilleures conditions possibles. Il va en parler demain matin sur RMC et sur BFM TV. Et il n’était pas question qu’une motion de censure déposée par le groupe LR à l’occasion du vote d’une loi de finances rectificative puisse être votée et fasse tomber le gouvernement de Gabriel Attal avant cette grande fête sportive… mais aussi diplomatique ; puisque de très nombreux chefs d’État ou de gouvernement sont attendus à Paris.

Il reste que si l’article 49-3 a été remisé au magasin des accessoires à ne surtout pas utiliser d’ici cet été, il faudra bien le ressortir à l’automne pour la prochaine discussion budgétaire. Et d’ici là, puisqu’il faut bien dépenser moins d’argent, mais qu’il n’est pas possible d’annuler des crédits sans passer par le Parlement, il a été convenu de procéder à un gel de crédits pour un montant de 10 milliards d’euros qui vient s’ajouter au coup de rabot de 10 milliards effectué à la fin du mois de février.

 

Un fossé croissant entre l’Europe et les États-Unis

 

Heureusement la Banque de France est venue mettre un peu de baume au cœur du Chef de l’État en confirmant prévoir 0,2 % de croissance pour l’activité économique française au premier trimestre 2024. Un chiffre qu’elle estime ne pas être incompatible avec le 1 % de croissance annuelle sur lequel table le gouvernement. À condition toutefois que l’on constate un peu d’accélération de l’activité au cours des trimestres suivants. La Banque de France maintient, pour sa part, une prévision de croissance économique de 0,8 %. En ce qui concerne la zone Euro, Christine Lagarde, lors de sa conférence de presse de jeudi dernier a estimé que "l’économie est restée faible au premier trimestre. Même si les dépenses de services résistent, les entreprises manufacturières sont confrontées à une faible demande."

Mais aujourd’hui, ce qui frappe le plus c’est l’écart de performance économique entre l’Europe et les États-Unis, où l’activité reste toujours bien meilleure que prévu avec davantage de créations d’emplois mais aussi un peu plus d’inflation. La question de la faiblesse de la croissance européenne et de notre déficit de compétitivité face aux États-Unis ou à la Chine sera au menu d’un conseil européen extraordinaire qui se tiendra à Bruxelles mercredi et jeudi prochains. Avec un point fait par Enrico Letta sur l’avenir du marché unique.

 

Le rapport Letta

 

De ce que l’on sait ce "High-Level Report on the future of the Single Market" réalisé par l’ancien Premier Ministre italien propose une réglementation équilibrée bénéficiant à toutes les parties prenantes et promeut les approches transsectorielles. Le rapport couvre les dimensions interne et externe du marché unique. La première se concentre donc sur les principaux obstacles au marché unique, en mettant l’accent sur certains secteurs spécifiques.

La seconde aborde divers défis géopolitiques, tels que la dépendance de l’Union Européenne à l’égard des exportations chinoises. Outre ces deux dimensions, Enrico Letta développe plusieurs thèmes horizontaux, comme l’amélioration de la réglementation et de la mise en œuvre des textes adoptés à Bruxelles ou Strasbourg au niveau national. Un sujet qui mériterait d’être davantage diffusé à moins de deux mois des élections européennes.

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