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Chroniques / Jean-Baptiste Noé

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Extraterritorialité : la Chine aussi !
par Jean-Baptiste Noé

À l’instar des États-Unis, la Chine se dote de lois d’extraterritorialité de plus en plus agressives pour les entreprises européennes. C’est une nouvelle menace qui surgit dans la guerre juridique et économique que se livrent les puissances.

15/07/2023 - 08:30 Lecture 5 mn.

On se souvient d’Alstom et de BNP Paribas, lourdement sanctionnés par les autorités judiciaires américaines. Les lois d’extraterritorialité entraient alors dans le vif de l’actualité, inquiétant à juste titre les entreprises qui pouvaient y être soumises. Si l’Europe et la France ont trouvé des parades, notamment grâce à la loi Sapin 2, la menace vient désormais de la Chine. Tout à sa volonté de puissance sur l’Asie, Pékin affronte les États-Unis sur le terrain de la guerre des monnaies en actionnant le levier du développement du yuan.

 

Arsenal chinois

 

C’est en 2020 que la Chine se dote d’un régime juridique de sanctions et de contrôles et d’une législation pour contrecarrer les effets des sanctions étrangères, c’est-à-dire américaines. Puis elle passe d’un régime de protection à un régime offensif, en adoptant une série de lois qui permettent à leur tour d’appliquer des sanctions. Un cheminement qui n’est par ailleurs pas sans rappeler la politique de l’Union européenne qui, elle aussi, a adopté des mesures de sanctions à l’égard de ses entreprises afin de les protéger des sanctions américaines, étant entendu que nul ne peut être condamné deux fois pour le même délit.

Soucieuse de la conservation des données, et pour éviter toute fuite à l’étranger, la Chine a également adopté une série de lois lui permettant de conserver le stockage et la maîtrise des données. Un enjeu crucial étant donné le fort développement des mobiles chinois. Un enjeu aussi au regard de la puissance automobile montante qu’est devenue la Chine. Dopés par le développement de la voiture électrique, les grands constructeurs chinois comme MG, Lynk & Co ou BYD déferlent en Europe, supplantant les constructeurs locaux. Or les voitures sont aussi des pompes aspirantes à données, non seulement pour connaître la géolocalisation, mais aussi les habitudes de vie de leurs conducteurs. C’est bien le marché de la connaissance qui est en jeu et de l’intrusion dans la vie privée des personnes. Les données, le nouvel or du XXIe siècle, nécessite une protection accrue pour en éviter un mauvais usage.

 

Danger politique

 

Alors que les Européens ont mis du temps à prendre conscience de l’arme redoutable que représentent les lois d’extraterritorialité, ils risquent d’être pris en étau entre les États-Unis et la Chine. Un pays où la séparation des pouvoirs n’existe pas et où les juges répondent du Parti communiste. Déjà que les affaires Alstom, Airbus et BNP ont démontré que l’action judiciaire n’était jamais neutre et que l’arme du droit peut être utilisée au service du politique, on peut attendre pire d’un pays où il n’y a ni contre-pouvoir ni opposition. Or ce n’est pas seulement le commerce avec la Chine qui est concerné, mais tout l’environnement juridique.

L’usage du yuan, des outils et des machines chinois, de la téléphonie et de l’automobile, sont concernés. Par extension, une condamnation ou un soupçon de corruption dans un autre marché que la Chine pourra valoir condamnation sur le territoire chinois. Il n’est pas absurde qu’une entreprise française condamnée ou soupçonnée de fait de corruption en Afrique, un marché où la Chine est de plus en plus présente, se voie interdire l’accès au marché chinois au nom de ces lois d’extraterritorialité.

Pour les entreprises françaises, il faudrait alors choisir, et cela ne sera pas probablement un abandon de la Chine. De quoi laisser libres les marchés que la Chine convoite. Cette stratégie est déjà mise en place contre ceux qui commercent avec Taïwan. Les menaces et les exécutions de rétorsion sont nombreuses pour refuser l’accès au marché chinois aux grands groupes qui vendent sur l’île revendiquée. Entre perdre un marché de 24 millions d’habitants et un autre de plus d’un milliard, le choix est vite pesé, obligeant Taïpei à des contorsions pour contourner l’embargo de fait pour se fournir en avion et matériel militaire. Qui a la puissance l’impose. En développant ses outils d’extraterritorialité, la Chine prend exemple sur les États-Unis pour, avec l’appui de l’arme du droit, montrer aux yeux de tous qu’elle est bien devenue l’autre grand du monde.

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